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Inès était sortie du petit salon sans but précis, partant, autant par hasard que par réflexe, à l’opposé de son cousin. Le jeune homme n’avait pas tant changé que l’on aurait pu l’espérer…. Les années semblaient même avoir rendu sa verve plus grossière et offensante qu’elle ne l’était déjà. Peut être devrait-elle apprendre à tolérer Raffaele, elle qui se faisait connaître comme la plus espiègle des coquettes ? Et pourtant, un reste d’orgueil mal placé lui interdisait de considérer que seuls ses mauvais souvenirs l’empêchaient de revoir son jugement.
*L’homme a de trop nombreux défauts et il ne faut pas tout pardonner à la jeunesse.* songea-t-elle, closant par là même ses réflexion sur le cadet des princes.
A peine le petit frère lui était-il sorti de l’esprit qu’un autre personnage de blondeur similaire s’imposa à elle… La sœur. Bianca serait probablement au palais dans moins d’une heure, avec son mari. A priori, la dîner servirait de réunion de famille, permettant à chacun de se faire une opinion sur le parti adverse ; une façon de prolonger la réception de la veille au soir en quelque sorte, mais sur le terrain des Grazziano.
Les époux Adorasti se présenteraient-ils en compagnie de leur suite ? Quelles failles présenterait leur petit numéro de couple parfait ? Inès ne parvenait pas à imaginer que ce mariage put être une union heureuse, et les ragots qui couraient sur Elio Lacryma Adorasti laissaient encore un peu moins la place au doute. Homme de glace, dur, cruel, indifférent à son épouse, secret… le portrait, bien que terriblement caricatural, laissait au moins deviner que les relations entre les jeunes mariés n’étaient pas au beau fixe.
Bianca aurait-elle songé à prendre un amant ? L’image de la jeune femme entraînant un bel éphèbe à l’écart de la foule pour oublier ses responsabilités de femme mariée entre deux bras chaleureux se forma dans son esprit pour s’en effacer aussitôt.
« Si l’on remplace l’éphèbe par la solitude et les bras par ceux d’un fauteuil, on doit être plus proche de la vérité… » Pensa-t-elle tout haut.
Le son de sa voix la ramena à la réalité et elle jeta un regard un peu perdu sur le couloir qui l’entourait. Perdue dans sa rêverie, elle avait marché au hasard et ses pas l’avaient menés jusqu’aux communs. Le corridor était plus étroit ici, les tapis moins riches et les murs plus vides, on devinait que cette partie de la maison, destinée aux domestiques, était un lieu de passage plus actif que le reste du palais. Même dans une maison à moitié dépeuplée, les communs gardaient leur aspect de fourmilière.
Un léger froissement de tissu se fit entendre derrière la jeune femme, révélant une présence inconnue. Interloquée, la princesse tourna à demi la tète, recherchant du coin de l’œil la silhouette de l’intrus.