[Salle d'Armes]
Mila arpentait d’un pas flâneur les couloirs menant à sa suite quand elle perçut quelques bruissements de voix étouffées. Elle leva les yeux au plafond. La seule idée de devoir se plier aux convenances des saluts l’assommait déjà. Autant son fer pouvait se montrer fort bavard, autant sa langue préférait les silences…
Par chance, il ne s’agissait que de deux servantes aussi jeunes qu’émoustillées alors qu’elle évoquaient la représentation qui serait donnée le soir même à la Fenice. Mila s’avança, salua d’un long regard appuyé les deux jeunes cancanières qui se turent aussitôt et s’écartèrent de son chemin, leurs yeux ronds accrochés sur le tissu déchiré de sa chemise et leurs bouches bées de stupéfaction. Mila les contourna et s’éloignant, constata que les chuchotements redoublaient. Elle se demanda comment les deux jeunes femmes parvenaient à communiquer alors que les piaillements de l’une se heurtaient vigoureusement aux piaillements de l’autre. Quel tracas pour leurs oreilles qui devaient faire le tri dans tout ce vacarme…
Elle claqua la porte de sa chambre qui en se refermant l’isola du reste du monde. Rien n’avait changé depuis son arrivée. Bien qu’habitée, la chambre paraissait encore attendre un hôte. Un tel état des lieux avait provoqué un certaine émoi chez les servantes qui n’ayant aucun désordre à combattre, avaient cédé à l’affolement. Même le lit restait fait, comme si personne ne s’y endormait.
Après un décrassage en règle, Mila ouvrit son sac de voyage qui contenait encore l’ensemble de ses effets et choisit une robe. Noire, sobre. Pas de parure, pas de poudre, juste un trait de crayon noir qui rendait son regard plus acéré. Mila s’étonna de ce soudain excès de coquetterie…
Elle libéra sa crinière désordonnée, la peigna, non sans retenir quelques cris de douleur à chaque fois que son peigne se heurtait à un nœud, puis lassée par cette bataille, elle emprisonna ses boucles à l’aide d’un lacet de cuir noir, et se leva. Elle errait dans sa chambre…Impression d’étouffement…Emprisonnement…Sa main s’égara sur la poignée de la porte et la tourna.
[La boutique du négociant en Epices… ]