VENISE
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 La Chambre de Iago

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Pourpre
Du Bout des Doigts
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MessageSujet: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleJeu 26 Mai - 1:42

...
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Iago degli Albizzi
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Iago degli Albizzi


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MessageSujet: Re: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleDim 22 Jan - 21:12

[La bibliothèque]

Iago était entré avec vivacité dans sa chambre. Il avait fait un petit détour par son étude d'où il avait pris un livre, au hasard, dans sa bibliothèque.

Il balança avec désinvolture ses bottes qui allèrent valdinguer contre un meuble quelconque. Regardant le meuble en question, Iago eut un sourire satisfait. Dieu merci, il avait eu toute latitude pour mettre les meubles qu'il voulait dans cette pièce.
Bien sûr, il avait très légèrement forcé la main en mettant dans une pièce contiguë tout ce qu'il ne voulait pas.
Le résultat était le même, il n'avait que des meubles plus que rustiques, parce que c'étaient les seuls qui étaient uniquement utilitaires. Iago détestait les armoires qui tentaient de se faire passer pour un champ fleuri, les buffets qui voulaient être un tableau de chasse. Pire encore lorsqu'il y avait par derrière des prétentions artistiques.
Un meuble était un meuble. Si même les objets inanimés se mettaient à être hypocrite et orgueilleux, il allait réellement finir fou.
Evidemment, cette opinion variait considérablement au cours du temps, mais il valait mieux dans ce cas qu'il ait les seuls meubles qui avaient peu de chance d'être détestés réellement et poussés sur le balcon alors qu'il pleuvait dehors.

Iago fit quelques pas de plus et se laissa tomber à la renverse sur son lit. Il gardait les yeux fermés, une main passée dans ses cheveux, et laissait les dernières images d'Ugo faire surface dans son souvenir.

Il était heureux d'avoir vu le feu du rejeton Grazziano s'allumer de nouveau. Depuis quelques temps déjà il avait semblé se faire étouffer par la cendre de la routine correcte de l'aristocratie bien pensante.
Si Iago n'avait pas encore crié au meurtre, c'était uniquement parce qu'il avait toujours eu confiance dans la constance d'Ugo. Il le soupçonnait de couver sous la cendre.
Une fois de plus, il avait eu raison. Cela allait bientôt être réellement lassant...

Iago sourit vaguement et ouvrit les yeux.
Le ciel du lit, au dessus de sa tête était d'une couleur relativement indéfinissable. Cela était bien.

Il se demandait maintenant quand est-ce qu'il allait aller à cette soirée dont tout le monde parlait. Le plus tard possible. Ou un peu plus tôt quand même... Le temps qu'Elio joue son rôle de Maître de la Maison puis commence réellement à s'ennuyer. Quand Ugo commencerait sans doute à avancer ses pions. A les positionner du moins...

Iago se secoua et se redressa. Cela n'allait pas du tout. Il commençait à penser normalement. Il fallait se secouer, se laver de toutes les idioties de la journée qui commençait à le contaminer.
Ce n'était évidemment pas de sa faute, étant donné que la journée avait été particulièrement absurde.

Il fallait absolument qu'il se concentre et qu'il cesse d'être aussi complaisant. Dire qu'il avait passé au moins trois occasions de rappeler à quelqu'un sa bêtise profonde… Lamentable.

Iago se frotta les yeux et attrapa le livre qu'il avait laissé tomber à côté de lui. Un grand sourire carnassier vint orner son visage.
"Les caractères" de La Bruyère…

Parfait…
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Matteo Salvanti
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MessageSujet: Re: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleSam 28 Jan - 20:52

[Embarcadère]

C’est la tête pleine des récents évènements (ou plus précisément, des récentes rencontres) que Matteo entra dans la chambre de Iago avec son fracas habituel :

« Monsieur degli Albizzi! »

Il secoua la tête pour faire tomber les flocons de neige qui s’étaient déposés sur sa chevelure blonde, une lueur amusée dansant joyeusement dans ses yeux bleus. Il semblait avoir tout oublié de l’épisode de l’après-midi. Insouciant comme il était, ce pouvait très bien être le cas. Il lui était souvent arrivé de se présenter à la porte d’une belle, rejetée la semaine précédente, sous prétexte de faire pardonner ses fautes. Il n’était pas rare non plus qu’il fût alors chassé par une domestique zélée brandissant un balai, dans le meilleur des cas… et d’un père furibond, fleuret à la main, dans le pire. Mais le jeune séducteur ne battait en retraite que pour mieux revenir à la charge, armé des meilleures intentions à l’égard de celle qu’il avait éconduite dans un moment de malencontreux égarement. Sa rédemption accordée, il savourait les plaisirs de l’absolution, sous la bénédiction de la maisonnée entière. Mais bien vite, l’ange troquait son auréole pour les beaux yeux d’une autre et délaissait de nouveau celle qu’il avait couverte de professions de foi. Tel était le quotidien de celui qui se proclamait lui-même (et en toute modestie) Apôtre des Plaisirs et Sauveur des Libertins.

Son regard bleuté se posa d’abord sur le gentilhomme, un livre à la main, puis captura l’ensemble du tableau. Il ne put que constater le contraste frappant entre Iago degli Albizzi et lui-même. Sa propre chambre reflétait sa personnalité extravagante, toute en fantaisie et en couleurs, en ornement et en fioriture. Tout ce qui se trouvait à l’opposé du mobilier sobre et purement utilitaire présent dans la suite du florentin. Un instant, deux bouquets se superposèrent devant ses yeux, l’un fastueux et l’autre élégant, lui rappelant la scène du marché avec vivacité.


« J’ai grandement besoin de vos conseils. Je savais que je pourrais trouver en vous la voix de la Raison, c’est pourquoi je me présente humblement devant vous dans l’espoir que vous daigniez répondre à mes interrogations. »

Il s’inclina avec ostentation devant son interlocuteur, tout en sachant que ce dernier se rirait probablement des convenances. Se redressant, il poursuivit :

« Je suis au prise avec une épineuse question d’ordre… domestique et vous êtes vraisemblablement la personne à qui je peux m’adresser à ce sujet. »

Le jeune homme commença à arpenter la pièce de son pas léger, faisant nerveusement courir ses doigts sur les portes d'une armoire ou la surface lisse d'un secrétaire.

« Supposons, Monsieur degli Albizzi, car nous ne sommes que dans le domaine hasardeux des hypothèses… Supposons donc que, par un incroyable élan de générosité et de charité chrétienne, j’aie invité une dame à la soirée qui se tient ce soir au Palais Adorasti. Une dame fort charmante, je vous l’assure, mais qui n’est point de ma condition, j’entends par là que la sienne est inférieure à la mienne. En d’autres mots, qu’elle n’est qu’une servante – d’où l’emploi du terme domestique – fort belle, mais aussi fort peu connaissante des usages de ce monde. »

Il jeta un coup dans la direction de Iago pour vérifier qu’il suivait toujours. Comme à son habitude, son débit s'était considérablement accéléré à mesure que s'allongeait son monologue.

« Supposons maintenant que j’aie, dans un éclair de lucidité, réalisé que la dite dame puisse se révéler un embarras pour moi si on vient à apprendre sa condition…. Que me conseillez-vous? Faire une entorse à ma réputation de gentilhomme et la préférer à une autre? Courir le risque d’être couvert de ridicule si on démasque ma cavalière? Ou bien votre esprit brillant est-il parvenu à trouver une solution que je n'ai pas entrevue? »
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Iago degli Albizzi
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MessageSujet: Re: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleJeu 2 Fév - 0:43

Iago, lorsqu'il lisait, savait se couper complètement du monde extérieur. Quelqu'un pouvait s'entraîner au cor de chasse à trente centimètres de son oreille qu'il n'aurait pas bronché.
Cependant, cela ne voulait pas dire qu'il n'entendait rien. Son cerveau savait trier ce qui arrivait à lui et ne garder que les choses intéressantes.

Il se trouve que le pas vif et dansant de Matteo faisait partie des choses potentiellement intéressantes. Aussi Iago ne sursauta pas lorsqu'une personne décida, en dépit de tout respect du repos d'autrui, d'entrer brutalement dans sa chambre.

Une touffe blonde, un bout d'habit fantasque, un regard bleu... C'était bien Matteo.

Evidemment, dans un mouvement d'humeur tout à fait compréhensible puisqu'il s'approchait plutôt de l'instinct de survie devant une tentative d'invasion spatiale et verbale, Iago eut pour premier geste de s'enfoncer un peu plus dans son lit et dans son livre.
En habitué de la fréquentation du jeune homme, Iago savait que ne pas voir la forme bondissante de Matteo, c'était presque ne pas l'entendre.

Malheureusement pour le temps de lecture de Iago, l'être éternellement monté sur ressorts, le fantasque jeune homme seul capable du mouvement perpétuel, apportait avec ses paroles non pas le flot habituel d'inanités mondaines, mais un fait relativement amusant.
Plus que cela, il apportait la verge pour se faire fouetter, le bâton pour se faire rouer, soit plus simplement encore, une merveilleuse nourriture à sarcasme…

Iago avait commencé par lancer quelques coups d'œil rapides par-dessus son livre. Contrairement aux apparences, cela n'était pas un exercice des plus faciles.
Un jour de bonne humeur, Iago avait démontré en public que ce qui avait mis fin à la mode du jeu de Paume était la naissance de Matteo. "Lorsque Matteo parle, il ne faut pas l'écouter, il faut le voir. A partir du moment où on le regarde, on passe son temps à tourner la tête à droite, puis à gauche, puis à droite, puis à gauche, puis à droite et ainsi de suite. Lorsque vous vous retrouvez au jeu de paume, vous avez subitement l'angoisse affreuse que la balle, qui décrit la même trajectoire que Matteo, ne se mette à parler autant que lui. C'est le conditionnement, voyez-vous. Là, la situation devient horrible. Comme on ne peut pas ranger un Matteo au placard, il prendrait trop de place, on a préféré ranger le jeu de Paume…"

Evidemment, tout le monde avait rit, parce que tout le monde rit toujours, mais malheureusement, cela n'était pas vraiment une plaisanterie. Malheureusement cela était la vérité.


Iago avait donc dû abandonner sa tentative de donner l'impression qu'il était toujours en train de lire son livre, pour regarder franchement Matteo déambuler dans sa pauvre chambre qui n'avait jamais connu d'occupant aussi bruyant.
Iago était même persuadé que si les parquets pouvaient parler, le sien serait en train d'émettre des gémissements de crainte. A moins qu'il ne se soit mis à glousser, chatouillé par les appuis légers et tournoyants du papillon multicolore qu'était l'homme de main d'Ugo, ce qui aurait été fort embarrassant pour ne pas dire plus.

Il était sans doute une très bonne chose que les parquets ne parlent pas.


Bref, Iago avait laissé tomber de désespoir son livre sur ses genoux, s'était enfoncé un peu plus dans ses oreillers, et suivait Matteo du regard en essayant de bouger le moins possible la tête.
Ce qui le sauvait d'un immanquable tournis, était, une fois n'est pas coutume, l'amusement profond qu'il prévoyait de la future conversation…

Matteo, comme toujours, parlait avec force fioriture, emberlificotements et autres figures de styles plus inutiles les unes que les autres. Le "Salvanti" demandait d'avoir un esprit bien entraîné à la traduction simultanée. Il fallait également avoir une bonne pratique du sujet pour le suivre. Heureusement Iago était passé maître en la matière, à tel point qu'il songeait parfois à établire le premier dictionnaire "Matteo – Langue commune".


Mais derrière les agréments vains et déplaisants il y avait de la matière digne du plus haut intérêt.
Iago ne fronça donc pas les sourcils, n'interrompit à aucun moment Matteo, mais se contenta d'avoir un sourcil légèrement haussé et un sourire de plus en plus grand.

Finalement, quand le flot de mots eut fini de faire marcher le moulin à parole, Iago resta un instant silencieux, comme pour vérifier que c'était vraiment bien fini. Puis il éclata de rire.

Plié en deux sur son lit comme un gamin de 16 ans, tapant du poing le matelas dur, bref, laissant libre cours à son hilarité, Iago ne pouvait s'empêcher de penser que depuis qu'il avait revu Elio il riait beaucoup plus qu'avant, et que cela ne devait pas être un excellent signe pour sa santé, mentale du moins.

Mais il riait parce que la bonne humeur et la naïveté de Matteo étaient choses contagieuses. Parce que c'était toujours pour lui une des rares surprises de la vie que de constater à quel point Matteo regardait sa vie et ses actions avec une bonne foi sidérante et une absence totale de vision réaliste du monde. Cela lui faisait presque de la peine de devoir une deuxième fois dans la journée lui faire comprendre que le monde est bête, méchant, détestable et répugnant. Mais en même temps, c'était très drôle.

Entre deux hoquets de rire, il fit signe à Matteo d'approcher.


"Ah… Matteo…Viens. Mon esprit brillant…"

Nouvelle crise d'hilarité. Rien que pour cela, il allait essayer de lui dire les choses le moins brutalement possible…

"Mon esprit brillant à besoin de temps pour comprendre ce que tu veux lui dire…"

Iago essuya rapidement les larmes qui lui étaient venus aux yeux et tapa vaguement sur son lit. Le rire s'était tu peu à peu et Iago se poussa légèrement sur son lit pour laisser à Matteo le loisir de s'installer comme il le voulait.

"Assied-toi. Votre manège est épuisant. Asseyez-vous sur le lit. Je n'ai pas de chaise. Quand on a des chaises, les gens restent. Je n'aime pas que les gens s'invitent et reste. Vous, bien sûr, c'est différent. Enfin, tant que vous me racontez des absurdités comme celle que tu viens de me raconter. Pardon, pas absurdité, pas encore, c'est pour plus tard. Enfin, peut-être.
Bien, assied-toi…

Donc nous supposons, puisqu'il ne s'agit là que de supposition, nous supposons… Il faudra vraiment que vous m'expliquiez pourquoi on suppose une chose aussi absurde…"

Il s'installait vaguement laissant le jeune homme faire de même. Il envoya d'un geste désinvolte son livre voler sur le secrétaire dans un bruit sourd de feuilles froissées. Lorsqu'il tourna de nouveau la tête vers Matteo, son sourire n'était plus celui de la joie pure, mais bien du sarcasme qui allait le réjouir d'une autre manière. Son ton même changea pour se mettre à ruisseler d'une ironie joyeuse.

"Non, mais c'est vrai, absurde quand même.
Que toi, à la rigueur, tu fasses la cour à une servante, sous prétexte qu'elle est jolie, passe, je te l'ai vu faire ce matin, je t'en sais capable. Mais que tu l'invites à un bal ? Même avec ton peu de cervelle, tu n'es pas capable d'un tel geste. Comment pourriez-vous alors maintenir vos chères petites apparences sociales ? Que dirait-on de vous ?
Je suis sûr que le soin de vos apparences vous aura prévenu d'un geste aussi révolutionnaire…

Et puis la deuxième supposition… un éclat de lucidité ? Impossible… quelqu'un capable d'une absence totale de la réalisation des conséquences ne peut pas avoir d'éclair de lucidité, impossible…"

Iago pouvait presque parler autant et aussi vite que Matteo. Néanmoins, il y avait une différence de taille entre les deux discours. C'est que celui de Iago était accompagné d'un sourire assassin qui faisait très clairement comprendre qu'il avait parfaitement compris la situation mais qu'il profitait du "supposons que" pour se moquer allègrement du jeune homme son aîné. Allègrement, dans tous les sens du terme. Aujourd'hui, la moquerie prenait le débit rapide de Matteo, l'allégresse de la transgression, avec presque pas de méchanceté.

"Mais supposons… Je récapitule, tu permets, pour y voir clair…
Dans un moment de délire qui vous est coutumier, vous faites une déclaration enflammée à une servante qui passait par-là. Jusque là, tout est clair.

Il se trouve que par un hasard de très mauvaise comédie, qui me fait penser que Dieu aime les farces, vous êtes invité au palais Adorasti. Bon, passons.
Là, afin de ne pas accomplir les choses à moitié et de creuser votre propre tombe sociale jusqu'au bout, vous l'invitez à venir avec vous. Bien.
Je dois dire que je reconnais tellement ta façon d'agir sans réfléchir, de "profiter de la vie" et en fait de se précipiter vers sa mort, que je croirai presque que cela t'est réellement arrivé…

Donc, tu permets ?… j'essaye toujours de remettre les choses en ordre hein…
Donc, non seulement tu commences à installer dans la vie de cette servante une pourriture qui va grandir, puisqu'elle va se mettre à croire qu'elle est une des merveilles du monde parce que toi, tu auras réussi à le lui faire croire et que donc elle ne saura plus où est sa place, qui elle doit croire et à qui elle peut faire confiance, mais en plus tu la détruis définitivement en l'invitant à une soirée, au milieu de gens de mérite.

Dans cette soirée, soit elle croira être arrivée au beau milieu de son rêve alors que tout le monde la ridiculisera dans son dos et elle se trouvera bientôt abandonnée et rejetée par tous, victime d'autant plus facile de la jalousie exécrable des femelles humaines qu'elle n'a pas les armes sociales pour se défendre, soit elle réalisera que ce n'est pas là sa place et passera une soirée en enfer à tenter de se faire oublier, à faire un scandale (parce que c'est la seule chose que les servantes savent faire), avec à la clef un remord cuisant, plus le risque que son maître soit présent dans la salle et la renvoie.
Sans travail, dans Venise, elle finira dans un canal ou prostituée. Ce qui revient à peu près au même.
Parfait… C'est que je commence à y voir clair…

Ensuite, donc, sur le chemin du retour, papillonnant et fier de vous (et vous aviez toutes les raisons de l'être, ruiner la vie d'une servante, voilà un bel exploit pour un gentilhomme…) vous avancez sans regarder où vous allez.
Vous passez sous un chantier, une brique tombe sur votre crâne et paf, voilà qu'une case d'intelligence s'ouvre brusquement et vous réalisez, quoi ? miracle ! que cela risque d'être difficile pour vous et vous seul d'avoir à supporter les quelques quolibets d'une foule ignare qui aura oublié vos frasques dans une semaine et vous parlera comme si rien ne s'était passé, cela parce que vous êtes l'homme fidèle du Prince Grazziano.
Très bien, très bien… Je n'ai rien oublié, n'est-ce pas ?

Merci de ta patience, Matteo, j'ai remis les choses en ordre dans mon esprit brillant. Maintenant, j'aimerais que tu répondes à une question…"

Iago pencha légèrement la tête sur le côté, le sourire plus ironique que jamais, et pourtant une lueur amusée quelque part dans ses yeux.

"Qu'est-ce qui te fait croire que moi je vais t'aider ?"
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Matteo Salvanti
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MessageSujet: Re: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleDim 12 Fév - 6:07

Alors que plusieurs auraient brandi sous son nez la menace des flammes de l’Enfer ou que d’autres encore auraient déclamé des sermons hypocrites au sujet de l’écart entre les classes qu’on devait à tout prix conserver, ce fut un grand éclat de rire qui accueillit l’interminable préambule de Matteo. Cette réaction incongrue était la raison même pour laquelle le jeune homme s’était adressé au signor degli Albizzi. Nul autre que lui aurait pu être saisi d’une telle hilarité suite à une pareille déclaration. Si le blond avait voulu être semoncé, il se serait rendu auprès de la tante du Prince, peut-être, ou une quelconque figure d’autorité un tant soit peu crédible qui lui aurait tapé sur les doigts en bonne et due forme avant de lui pardonner tous ses péchés avec une indulgence toute maternelle. Non, c’était d’amusement dont il avait eu envie, de nouveauté, de différence et en cela, Iago degli Albizzi était inégalable.

Obéissant à l’injonction du gentilhomme, Matteo s’assit contre le lit, prenant soin de retirer ses bottes avant de replier ses jambes sous lui dans une position typiquement enfantine. Il admira avec regret les derniers vestiges de la gaieté pure s’effacer des traits de son interlocuteur pour faire place à cette moquerie qu’on lui connaissait mieux. Si Iago degli Albizzi n’avait pas été Iago degli Albizzi, l’homme de main aurait envisagé l’attirer dans sa couche dès leur première rencontre, mais Iago degli Albizzi aurait certainement perdu tout ce qui faisait de lui un être si unique en étant un autre que lui-même, se retrouvant réduit à l’état de gentilhomme de pacotille qu’on croise dans une soirée et qu’on oublie dès le lendemain. Valait beaucoup mieux qu’il soit ainsi, à la fois brillant et odieux, fascinant et impossible, que vulgaire et terne, commun et accessible. Il était néanmoins dommage que le signor degli Albizzi, étant le signor degli Albizzi, ne terminerait probablement jamais dans son lit, à moins que ne se produise un miracle inespéré. Le garçon allumerait alors un cierge à chaque saint qui peuplait les Cieux si le Seigneur lui accordait une telle Grâce.

Chassant ces pensées invitantes mais fort peu appropriées de son esprit (il aurait tout le loisir d’y revenir plus tard), il en revint au principal intéressé arborant un sourire goguenard qui traduisait toute sa pensée. Incisif. C’était le terme qui aurait pu le mieux décrire le discours qu’on lui servit. Il était d’une lucidité hallucinante, d’un cynisme porté à l’extrême, chaque mot soigneusement soupesé pour contenir sa charge de poison. Ce savant dosage, cet agencement subtil ne pouvait être l’œuvre que d’un génie. Et, sublime du sublime, tout y était vrai, la Vérité exposée au grand jour devant ses yeux émerveillés, semblables à ceux d’un enfant assistant pour la première fois aux époustouflantes acrobaties de saltimbanques.

Une fois la tirade terminée, Matteo applaudit avec ravissement. Qu'aurait-il récolté s'il s'était présenté devant un autre? Sans aucun doute infiniment moins que tout ce qu'il aurait jamais pu recevoir de n'importe qui d'autre.


« Merci, Monsieur degli Albizzi, merci! Très sincèrement! Je n’en attendais pas moins de vous. Je suis comblé. Vraiment. Vous avez tout compris, absolument tout. Quel… quel discernement. Vous voyez, j’en perds mes mots! »

Il gloussa de rire tout souci, semblant apparemment avoir retrouvé toute son insouciance. À la question qui lui fut posée, le garçon se pencha vers son interlocuteur, papillotant des paupières d’un air faussement candide. Après tout, comme Iago demeurait Iago, Matteo demeurait Matteo et il n'aurait pu faire autrement que d'utiliser la séduction, même pour un cas aussi particulier que celui avec lequel il avait affaire.

« Ce rire qu’a provoqué en vous ma fable ne suffit-il point? » s’enquit-il avec une moue. [/i]
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Iago degli Albizzi
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MessageSujet: Re: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleDim 12 Fév - 21:15

Iago se demandait une fois de plus ce qu'il serait mieux pour l'humanité. Laisser Matteo Salvanti se promener librement comme un des atomes turbulents de la philosophie antique, permettant ainsi de mettre un peu de désordre dans le monde. Ou bien finir cette absurdité en lui flanquant une balle dans le crane. A vrai dire, Iago hésitait.

Il poussa un léger soupir en voyant les éternelles manœuvres de Matteo, et le regarda droit des les yeux pour lui répondre le plus simplement du monde.


"Non."

Puis, se disant que Matteo avait, il est vrai, l'avantage immense de ne pas l'ennuyer, il décida d'expliquer un peu sa réponse.

"Mon rire était le dédommagement nécessaire de la peine que j'ai prise à vous écouter, alors que vous me dérangiez, sans vous faire sortir par la porte, ou par la fenêtre. Il ne peut en aucun cas justifier la fatigue future que j'aurai si je vous viens en aide...

Il faut que tu trouves autre chose Matteo..."
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Matteo Salvanti
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MessageSujet: Re: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleDim 12 Fév - 22:03

Le refus qu’essuya Matteo était prévisible. Il aurait été impensable qu’il obtienne l’accord de Iago degli Albizzi en une seule tentative. Il n’y aurait d’ailleurs eu rien de bien amusant à une victoire trop facile ou trop hâtive. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. La partie s’annonçait corsée, voire même perdue d’avance face à un adversaire aussi coriace, mais le garçon ne baissait pas les bras. On cédait toujours devant ses avances insistantes, car il savait se montrer convaincant. Le signor degli Albizzi semblait insensible à ses charmes pour le moment, mais cela ne pourrait durer indéfiniment…

« Me jeter par la fenêtre comme vous le feriez avec le dernier des gueux? »

Il prit un air faussement peiné, ses lèvres formant une moue de dépit avant de se retrousser dans un sourire séducteur.

« Je sais que vous tenez beaucoup trop à moi pour vous comporter ainsi… » minauda-t-il, en se rapprochant du Florentin.

Il fit glisser une main audacieuse sur la cuisse de son inte
rlocuteur.

« Parce que vous tenez à moi, n’est-ce pas, Monsieur degli Albizzi? »

Son sourire s’accentua à mesure que ses doigts s’aventuraient plus haut, ascension périlleuse jusqu’à un pic culminant qu’il comptait fermement conquérir.

« Vous tenez tellement à moi que vous m’aiderez, n’est-ce pas, Monsieur degli Albizzi? » susurra-t-il, son regard plongé dans celui du gentilhomme.
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MessageSujet: Re: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleLun 13 Fév - 0:02

Iago sentit une main sur sa cuisse et leva les yeux vers Matteo. Son regard était clairement entre la lassitude profonde et le dégoût.

Prenant la main coupable entre deux doigts, comme on se saisit d'un chiffon sale, et la rejetant vers Matteo d'un coup sec de poignet, Iago sembla se désintéresser complètement du jeune homme. Il récupéra un livre sur sa table de nuit et l'ouvrit.


"Faire preuve de l'idiotie la plus abjecte et du manque d'originalité le plus détestable, ne fera rien pour toi, Matteo..."

C'était dommage. Il avait pensé que Matteo saurait faire mieux. Visiblement il arrivait en fin de cerveau et ne savait plus recourir qu'à des idioties.

"Vous savez où est la porte. Si vous avez enfin conscience de votre idiotie, vous savez aussi où est la fenêtre. Vous ne savez pas nager, j'espère..."

Iago espérait vaguement que provoquer légèrement le jeune homme en ferait sortir encore quelques étincelles...
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Matteo Salvanti
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MessageSujet: Re: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleLun 13 Fév - 0:33

Voyant que toute chance d’être tiré du pétrin lui filer entre les doigts, Matteo décida qu’il devait jouer le tout pour le tout. La séduction n’était décidément pas la démarche adéquate pour retenir l’attention du signor degli Albizzi. Il fallait donc passer à une seconde tactique qu'il souhaitait plus efficace que la précédente.

Peignant une expression éperdue sur son visage de chérubin, le jeune homme s’écria :


« Asile! Asile! Monsieur degli Albizzi! Ayez pitié de moi! »

Il allait porter ses mains sur les bras de l'interpellé pour s'y pendre désespérément, mais se ravisa à la dernière seconde, se doutant qu'éviter les contacts physiques serait judicieux.

« Si vous ne pouvez m’aider, personne ne le pourra! Vous êtes mon seul espoir. Je me raccroche à vous comme le naufragé à travers la tempête! »

Sa voix se fit vibrante alors que son regard s'embuait de larmes.

« Je ne suis qu’un sot, qu’un niais, c’est pourquoi je ne peux avoir recours qu’à ces moyens retors pour arriver à mes fins… Ah, si j’étais comme vous, Monsieur degli Albizzi, je n’aurais point à me conduire de cette façon, je pourrais me fier à mon esprit, mais, hélas! »

Le blond poussa un soupir déchirant pour renforcer le dramatique de sa tirade.


« Hélas! Je ne suis point comme vous, Monsieur degli Albizzi! Je suis faible et incapable de résister à la Tentation! Pour l’amour de Dieu… J’implore votre miséricorde! Accordez-moi votre pardon! Faites preuve de merci et condescendez à m’aider. Je suis à genoux, tenez, regardez! »

Il s’empressa de s’agenouiller sur le sol devant le gentilhomme pour mieux illustrer ses paroles.


« À genoux! Devant vous! Vous suppliant à tout prix de me porter secours! »

Il joignit ses mains dans un signe de prière. Avec ses yeux bleus humides et ses lèvres tremblantes, il était l’image même de la contrition. Il s’était souvent livré à de telles scènes avec des amantes qu’il souhaitait reconquérir ou avec des aristocrates orgueilleux qui aimaient qu’on flatte leur ego, qu’on leur donne l’impression d’être indispensables. Ce n’était sûrement pas la réaction qu’éveilleraient ces épanchements chez Iago degli Albizzi, mais Matteo espérait que le spectacle qu’il donnait amuserait assez son interlocuteur pour que celui-ci consente à lui accorder une seconde chance de le convaincre.
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Iago degli Albizzi
Gentilhomme - Ca'Grazziano
Iago degli Albizzi


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MessageSujet: Re: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleDim 19 Fév - 5:15

Iago se tendit. C'était bien ce qu'il craignait. Le grand morceau de bravoure de Matteo. Son grand lamento, le monologue qui faisait son succès auprès des dames. L'air incontournable des opéras joués par le Signor Salvanti...

Il avait forcé ses mains à lâcher le livre qu'elles commençaient à serrer de plus en plus fort et regardait le jeune homme gesticuler. Il le regardait de loin, de très loin, comme lorsqu'on voit quelque chose que l'on n'arrive pas à croire. Prévisible au dernier degré, Matteo s'agitait. Tellement prévisible que cela en était surprenant. Iago le regardait sans le voir vraiment, l'écoutait sans l'entendre vraiment. Comme si l'air devenait distance, Matteo semblait lointain, pantin observé à la lunette exécutant une parodie de vie.
Iago avait l'impression de voir, comme des impressions détachées, le visage de Matteo qui changeait de couleur, le léger tremblement de ses lèvres et l'humidité de ses yeux.
Tout cela pour rien, tout cela dépourvu de sens. Spectacle vide.

Pendant un temps, Iago ne dit rien. Puis il se mit à plat ventre sur son lit, appuyé sur les coudes, le visage dans les mains. Il se déséquilibra légèrement sur le côté pour tendre une main vers la joue de Matteo, et, avec l'index, appuya sur les pommettes comme pour s'assurer de la réalité physique de ce qu'il voyait. C'était tiède et humide. Mou.

Iago avait jusqu'à présent été plus incrédule que dégoûté. Mais cette confirmation de la réalité de la scène de Matteo fit naître sur son visage une de ces grimaces de dégoût que l'on ne peut retenir même avec le meilleur entraînement du monde. Une de ces grimaces qui viennent lorsque l'on est confronté à une odeur qui ne nous est pas supportable, un geste qui nous révolte. La bouche tordue dans un rictus terrible, les sourcils déformés. Tout son visage se contractait du dégoût le plus profond.

Iago se retourna comme on s'éloigne d'un monstre et s'assit sur le bord de son lit, le plus loin possible de Matteo.


"C'est répugnant."

Il passa une main sur son visage et se frotta les yeux comme pour se laver d'une image infecte et trop persistante.
Sa main tremblait.
Il détestait, il haïssait ce qu'était en train de faire Matteo. Il ne savait pas encore clairement pourquoi il haïssait cela, mais il le haïssait. Tout lui, toute son âme, tout son corps, hurlaient pour tenter de fuir, tenter de faire sortir l'étouffement d'horreur qui le prenait.
Sa main tremblait et son esprit se tendait vers l'avant dans une tentative désespérée de rejeter en mot ce qu'il sentait en lui.


"C'est… répugnant.
Ces réactions lacrymales pathétiques.
Et le fait que tu sois capable d'avoir des réactions physiques aussi véridiques sans aucune motivation réelle, trahissant une fois de plus combien la nature humaine est la pire des ignominies.
Et aussi que tu le fasses, pour… non pas pour m'attendrir, j'ose espérer que tu n'es pas tombé aussi bas (et encore, cela te rachèterait presque, sauf-conduit du médecin : "Irresponsable. Débilité profonde"), mais en espérant que ça m'amuse, ou que ça me fasse réagir d'une manière ou d'une autre.
Oui… aussi… Que tu le fasses de si bon cœur, comme un amuseur public ou une prostituée. Pitoyable clown, catin usée, qui rejouent les trois tours qu'ils connaissent, charme, séduction, pathos. Qui essayent de trouver dans leur répertoire minable le rôle pathétique qui pourrait convenir au client.
Comme si, être abject, était ce que j'attendais de toi."

Ce que Matteo attendait de lui… Il eut un petit rire sec et glacé, cassé, et se tourna vers son visiteur.

"En plus, tu fais vraiment ça pour me faire plaisir, hein ?
Tu crois peut-être que cela m'amuse de voir la dégénérescence humaine ? Tu crois peut-être que je me plais à contempler l'abjection humide et rose que tu es ? Le tremblement gélatineux que tu mets en branle ?"

D'un mouvement rageur, il tourna la tête vers la fenêtre. Son dos était tendu, ses épaules voûtées, et c'est entre ses dents serrées qu'il siffla avec hargne

"Va-t'en, c'est infect."

Mais aussitôt il se releva, tendu comme un ressort, et se retourna vers Matteo, agrippant de la main gauche, au point d'en avoir les phalanges blanchies, le montant en bois torsadé du baldaquin, comme pour trouver un point d'appui stable, alors que dans sa tête, tout s'entrechoquait sans sembler vouloir s'arrêter. Sa voix cavalait, hargneuse, sèche, comme si elle cherchait à secouer les immondices qui pouvaient la recouvrir.

"Je te provoque. Est-ce que tu résistes ? Non. Bien sûr que non. Tu te laisses pousser. Pire, tu cours, tu te précipites dans l'abject. Le pathétique le plus insupportable. L'exécrable.

Tu me dégoûtes. Va-t'en. Allez, Va-t'en !"

Un mouvement de la main tenta de balayer l'image de Matteo vers la porte, avant de se transformer en un doigt accusateur.

"Pourquoi joues-tu ce jeu ?
Pourquoi m'infliges-tu ça ? Pourquoi n'es-tu pas un peu simple, pour une fois… Honnête…
Qu'est-ce qui se passe dans ta cervelle débile ? Tu te dis, Monsieur degli Albizzi aime se moquer du ridicule, il aime détester, donnons-lui du ridicule, cela le mettra de bonne humeur ? C'est ça, hein…Tu crois peut-être que je me complais dans l'abject ? Que j'aime détester le monde ? Que je ne dis le détester que parce que cela me permet de briller dans le monde ? Oh oui, c'est ce que tu penses. C'est ce que tu fais.

Cervelle creuse.
Tu essayes de plaire, de refléter le désir des autres, d'être exactement ce que désirent les autres. Mais la seule chose que tu es capable de voir, c'est toi. Tu crois peut-être être un Protée subtil. Mais tu n'es pas capable de voir, de trouver les véritables désirs des autres.
Tu n'es capable que de projeter ta propre pourriture sur les hommes qui t'entourent.

C'est écœurant.
C'est même plus que ça… c'est exécrable. Détestable. Répugnant.

Disparais.

Tu me…"

fais mal. Atrocement mal. Utilisé. Manipulé. Déchiré. Atteint par la pourriture dont Matteo se servait pour construire un personnage qu'il prétendait être lui, Iago. Qu'il voulait forcer, qu'il voulait de force lui faire endosser. Prendre un rôle immonde dans la pièce de théâtre interne du gamin inconscient (jusqu'à quel point ?) et pervers.
Iago n'avait plus envie de se soutenir, plus envie de regarder la tête hideuse qui lui faisait face. Lentement, il cessa de se tenir, et se laissa glisser par saccade, le dos contre le montant du baldaquin, la main lâchant peu à peu, par à-coup, sa prise sur les torsades.


"…dégoûtes."

Iago, par terre, respira profondément, et laissa sa tête retomber dans ses bras.

"Va-t'en. Allez-vous-en.
Je ne veux plus vous voir."
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Matteo Salvanti
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MessageSujet: Re: La Chambre de Iago   La Chambre de Iago PerleMar 18 Avr - 1:26

(Par souci d'esthétisme, parce que Matteo n'était pas Matteo, parce que ça ne collait pas et parce que la suite des évènements pourrait en souffrir, un nouveau post.)



Rien, absolument rien n’aurait pu préparer Matteo à ce qui allait se produire. Comme à son habitude, il avait joué, bondi, sauté, mais cette fois, le sol s’était dérobé sous ses pieds et la chute avait été douloureuse. Il voulut se relever, recommencer la scène, répliquer, mais les mots demeurèrent coincés dans sa gorge, ses jambes refusèrent de lui obéir. Martelé de paroles, il était peu à peu dépouillé de tout : son décor, son costume, son masque, jusqu’à ses précieuses lignes, sa répartie brillante qui le tiraient normalement de tout embarras… Cloué sur le sol, il accusait chaque nouveau coup, chaque nouvelle gifle avec hébétude, ne réalisant pas tout à fait comment, encore quelques instants plus tôt, le jeu se poursuivait pour ensuite connaître une fin abrupte et brutale.

Une fois qu’Iago degli Albizzi se fût tu, Matteo reprit le souffle qu’il avait inconsciemment retenu. Haletant, pantelant, il dut poser ses mains contre le sol pour supporter son corps qui menaçait de s’effondrer. Le désarroi qui l’emplissait s’était d’abord exprimé par son visage décomposé, après qu’Iago degli Albizzi l’ait touché, puis par son silence pesant. Cette absence de riposte appropriée le laissait pantois, aussi bouche-bée que le discours qu’on lui avait tenu. À ce trouble succéda bientôt la panique. Il était trop tard pour se boucher les oreilles, trop tard pour revenir en arrière, trop tard pour effacer de son esprit ces mots qu’on lui avait assénés. Trop tard pour réparer le mal qu’il avait commis. Parce que mal il y avait, le mal qui le rongeait lui, bien sûr, mais aussi, le mal qui déchirait à cet instant Iago degli Albizzi. La culpabilité s’ajoutait à l’angoisse. Jamais n’avait-il voulu blesser Iago. Nombre de jeunes femmes comme de jeunes hommes s’étaient effondrés en larmes devant lui, le suppliant de demeurer à leurs côtés pour le restant de leurs jours, mais aucun d’entre eux ne l’avaient ému au point de l’homme assis à même le sol, la tête dans ses bras.

Plus effrayante encore était cette question qui le tourmentait : que faire?

Fuir. Cette solution lui apparaissait évidente et si facile. Iago degli Albizzi lui-même l’enjoignait avec véhémence à quitter la pièce. N’éviterait-il pas plus de dégâts en détalant tout simplement? Ne les épargnerait-il pas tous deux en choisissant la retraite? Partir, claquer la porte, se rendre jusque dans sa suite et, une fois de plus, oublier. La chose lui semblait aisée, la réception donnée ce soir à la Ca’Adorasti était le meilleur prétexte pour lui permettre de diriger sa pensée vers un sujet moins lourd, mais aussi beaucoup plus futile. Il pourrait ainsi concentrer ses efforts sur une question fort préoccupante telle que le choix de sa tenue, étaler ses pourpoints sur son lit, les examiner un à un et les essayer devant la glace pour déterminer lequel convenait le mieux. Il pourrait se réfugier ailleurs, au Palais ou n’importe où dans la ville, tant qu’il se retrouvait à l’abri des paroles d’Iago degli Albizzi qui continuaient à résonner dans ses oreilles, loin de cette douleur tangible, de cette détresse palpable qu’il avait sous les yeux.

Cependant, avec plus de recul, cette planche de salut ne faisait que retarder le moment où il tomberait. Aujourd’hui, la chute avait été rude. Qu’en serait-il de demain? Qu’en serait-il du jour où il n’arriverait plus à se remettre sur pieds? Il ne fuirait pas, cette fois. Il avait fui le pont du Rialto, allant panser ses blessures dans les sourires d’une autre, les conversations d’un Caffé bondé. Il en avait ainsi négligé le fait qu’il n’avait peut-être pas été le seul à souffrir de l’affrontement. Ce bref sursis n’avait rien réglé, ne repoussant qu’à plus tard l’inévitable. Ce n’était pas d’un combat, d’une bataille à finir dont le garçon avait envie ou besoin. Ce n'était pas non plus de comédie ou de traits d'esprit. Non, ce qu'il lui fallait, c'était la Vérité en toute simplicité, pas à demi, pas à moitié, la Vérité comme il la voyait, la sentait, la touchait.

Il n’y aurait peut-être ni cape, ni épée, ni fard, ni artifice, ni violon qui ferait vibrer ses cordes pour ajouter au mélodrame, ni tambour pour faire retentir un rythme de guerre, mais il y aurait lui, Matteo, les mains vides, le cœur en bandoulière.

Le jeune homme se laissa lentement glisser dos contre le sol, les yeux fixés au plafond. Les battements de son cœur se calmèrent peu à peu, retournant à un rythme presque normal. Le silence s’étira encore un moment avant qu’il ne prenne une grande inspiration, se décidant finalement à plonger, et que sa voix s’élève douce, un brin rêveuse :


« Tant de… violence, Monsieur degli Albizzi. Je ne vous comprendrai jamais. Vous me demandez pourquoi, mais je peux très bien vous renvoyer cette question. Pourquoi choisir d’haïr plutôt que d’aimer, Monsieur degli Albizzi? Est-ce si difficile? Si douloureux? » s’enquit-il avec curiosité.

Il n’y avait pas de reproche dans ses paroles, seulement une innocence teintée de tristesse, celle de l’enfant qui tente de comprendre pourquoi on l’a réprimandé, lorsqu’il reprit :


« Moi, j’aime et je désire être aimé en retour. Je me donne, oui, je me donne, selon qui est l’objet de mes pensées, fit-il en ouvrant ses bras à un amant invisible. Suis-je une putain pour autant, Monsieur degli Albizzi? Est-ce si mal que de vouloir plaire? demanda-t-il avec une pointe de désespoir. Je suis moi quand je suis avec vous, quand je suis avec eux. Je n’ai que plusieurs facettes. Oui, peut-être mes tours sont-ils usés, admit-il sans regrets. Peut-être avez-vous raison. Peut-être le monde est-il aussi dégoûtant, peut-être suis-je aussi dégoûtant que vous le dites. Une abjection humide et rose, pour reprendre vos propres paroles. »

Ces mots lui arrachèrent un pâle sourire qui disparut dès l’instant où il poursuivit sur sa lancée:

« Mais alors, dans ce cas, je préfère fermer les yeux. Je suis lâche, n’est-ce pas? Vous l’avez dit vous-même, je me laisse pousser. Encore une fois, je vous concède tout, Monsieur degli Albizzi. Mais pourquoi me battre pour rien? Pourquoi souffrir? Pour me prouver que j’ai raison? Pour tenter d’affirmer ma supériorité? Pourquoi souffrir? »

Le garçon se redressa et posa son regard sur son interlocuteur pour la première fois depuis le début de son monologue. L’émotion le saisit à la gorge de nouveau, lui faisant perdre le pouvoir de la parole. Cependant, il lui résista, ne souhaitant pas abandonner maintenant, à ce moment crucial, à cet instant de vérité.

« Parce que, vous, vous souffrez, n’est-ce pas? C’est dur que de contempler la vérité en face, puis regarder autour de soi pour constater que vous êtes le seul à avoir eu le courage de le faire. Je n’ai pas ce courage, parce que je ne veux pas être seul, Monsieur degli Albizzi. Oh, bien sûr, mes liaisons d’un soir peuvent paraître bien vaines, bien vides. Mais je peux vous assurer que chacun des amants, chacune de mes conquêtes, je les ai toutes aimées. Jamais haïes. J’ai aimé le moindre de leur sourire, le parfum sur leur peau, les inflexions de leur voix, les mots qu’ils m’ont chuchotés à l’oreille… Et j’ose croire, j’ose croire oui, répéta-t-il avec plus de ferveur, qu’eux aussi, ils m’ont aimé. Que j’aie usé de charme, de séduction, de pathos avec eux, ils m’ont aimé comme je les ai aimés. »

Lentement, sans bruit, Matteo s’approcha de Iago.

« Et je vous aime vous aussi, Monsieur degli Albizzi. Malgré tout. »

Il laissa échapper un petit rire amusé pour ensuite lancer :

« Vous n’êtes certainement pas facile, c’est évident. Je ne peux pas vous suivre, mes jambes, ma pensée sont trop courtes pour les vôtres. »

Agenouillé devant lui, il éleva sa main en l’air, mais l’immobilisa, n’osant pas encore toucher, par peur de causer plus de mal qu’il n’en avait déjà fait. Il chargea plutôt sa voix d’exprimer ce qu’il avait empêché sa main de démontrer :

« Pardonnez-moi si je n’ai pas su et si je ne saurai jamais. Je sais, je n’ai encore rien compris. Je ne comprends pas cette fois, je ne comprendrai pas la prochaine non plus. J’ai volontairement fermé les yeux, j’ai volontairement choisi le mensonge. Je m’invente un monde, j’en suis le roi, le centre, je suis égoïste, je joue, je pleure, je ris, je, je, je… Je ne vois que moi, vous ne voyez que ce qui est laid. Ce qui est laid, je le peins, je le déguise, je le recouvre, je l’enjolive. Vous pouvez me haïr pour cela, refuser de me voir, être dégoûté par ma personne. »

Cette fois-ci, incapable de se retenir, Matteo prit Iago tout contre lui, le serrant avec fougue, s’accrochant à lui de toutes ses forces, refusant de le laisser aller, ne voulant pas l’abandonner à sa solitude, sa douleur, ne voulant pas fuir une nouvelle fois. Le cœur battant, le souffle court, il chuchota d’une voix tout juste au-dessus d’un souffle :

« Je ne vous en tiendrai pas rigueur parce que oui, je vous aime, même si je pourrais vous haïr par peur, par ignorance, par rancune. »

Il maintint son étreinte encore quelques instants avant de se reculer à contrecœur, un sourire triste éclairant son visage. Posant sa main contre la joue d’Iago, il plongea son regard limpide dans le sien pour finalement murmurer :

« Si seulement vous fermiez les yeux, Monsieur degli Albizzi. Juste une fois. Alors, peut-être vous verriez… Peut-être pourriez-vous aimer vous aussi. »

Un dernier sourire, puis il se releva pour se diriger vers la porte. Il avait peine à tenir sur ses jambes flageolantes d’émotion. Il n'était pas encore tout à fait certain de ce qui venait de se produire, mais il était sûr d'une seule chose: il aurait peut-être des remords, mais absolument aucun regret. C'était Matteo qui avait parlé, Matteo qui avait serré Iago dans ses bras. Matteo. Pas "que Matteo", ni "le Sauveur des Libertins" ou "l'Apôtre des Plaisirs". Matteo.
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