VENISE
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilAccueil  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le Deal du moment : -39%
Ordinateur portable ASUS Chromebook Vibe CX34 Flip
Voir le deal
399 €

 

 Autour du Clavecin

Aller en bas 
4 participants
AuteurMessage
Pourpre
Du Bout des Doigts
Pourpre


Nombre de messages : 557
Statut : Admin
Date d'inscription : 11/04/2005

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleDim 18 Nov - 23:32

..
Revenir en haut Aller en bas
http://loch-lurgainn-house.forumactif.com/
Brunilde Gurrieri
Comtesse - Ca'Adorasti
Brunilde Gurrieri


Nombre de messages : 53
Date d'inscription : 30/05/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleMar 11 Déc - 1:26

[Maison d'Ariela Accorti]

Brunilde ramena, sans le moindre soin, sa chevelure sur son épaule. En retard. Elle s'était dépêchée de regagner le palais, en barque, qu'elle avait bien entendu manqué de renverser, puis sans trop de caprice, avait choisi une nouvelle robe à passer. Se laver de tout signe, de toute marque, qui aurait pu trahir la soirée passée. Des joues trop rouges, un front brûlant, des lèvres qui peinaient à sourire et un regard obscurci. La comtesse n'affichait désormais plus qu'un teint ravivé, ses deux émeraudes promettaient mille secrets – bien choisis – et ses lèvres s'étaient ourlées d'une tendre malice. Elle prenait sur elle, oubliait, se réjouissait.

Enthousiaste, elle descendit les marches qui menaient à l'étage inférieur, certaine de trouver dans le salon de musique de quoi la satisfaire. Demetrio ? Certainement. Forcément. Joyeusement entraînée par cette délicieuse idée, elle poussa les portes du salon avec énergie et fut sur le point de s'écrier lorsque, sa voix mourant dans sa gorge, elle constata qu'il ne s'y trouvait personne.
Brunilde passa ses mains derrière elle pour refermer les portes, sur lesquelles elle s'appuya un instant, pour finalement s'avancer au centre de la pièce. Absolument personne.

*Si j'avais su...*

En retard, vraiment ? La voilà qui était en avance sur le musicien. La comtesse ne perdit pas son sourire. Pas trop. Et puisqu'il lui faudrait attendre, elle s'affala sans la moindre retenue sur l'un des fauteuils disposés autour du clavecin, enroulant négligemment une mèche auburn autour de son index, les jambes étendues et la tête rentrée dans les épaules.
Revenir en haut Aller en bas
Demetrio Catanei
Musicien
Demetrio Catanei


Nombre de messages : 42
Date d'inscription : 18/02/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleVen 14 Déc - 2:35

[La Maison du Médecin - Le Salon-Bibliothèque]

Les femmes. Demetrio avait toujours éprouvé certaines difficultés à saisir les rouages de leur cœur comme de leur esprit. Il lui était d’abord apparu que toutes les femmes étaient comme Mère, ou plutôt auraient dû tendre vers l’idéal qu’était Mère. Puis, il avait fait la rencontre de cet ange de douceur et de bonté qui avait introduit dans son univers rêvé une nouvelle muse à idolâtrer. Près de sept ans s’étaient écoulé depuis son exil et son souvenir, sans s’être tout à fait effacé, avait perdu de sa substance, ne devenant plus qu’une forme vague à laquelle il aspirait toujours avec la nostalgie du passé. À présent, toutefois, il y avait la comtesse Gurrieri. Brunilde. Le violoniste s’interrogeait et s’émerveillait encore sur le pourquoi et le comment il en était venu à obtenir les faveurs d’une telle femme. Les circonstances dans lesquelles ils avaient fait connaissance n’avaient rien de bien reluisant. Qu’on ait seulement pu lui adresser la parole après ses excès lui paraissait déjà miraculeux ; qu’on ait, de son plein gré, décidé de terminer la nuit entre ses bras demeurait donc un mystère impénétrable pour lui.

Le départ de son élève lui avait rappelé son propre rendez-vous. Pris de panique, il s’empressa de gravir les escaliers menant à sa chambre pour se vêtir d’un justaucorps et de culottes qui n’avaient pas été éclaboussées de thé. C’est avec un peu de regret qu’il mit de côté ses habits tachés, choisis spécialement pour son entretien avec la comtesse. Se vêtir lui était déjà une corvée, le faire en vue de plaire à une dame se transformait inévitablement en véritable torture. De longues minutes de douloureuse délibération et un constant de son ignorance en matière de mode aboutirent à un ensemble qu’il jugea présentable. Vestes et chemises furent jetées pêle-mêle sur une chaise et il s’en fut sans plus attendre, en espérant que son logeur ne sourcille pas devant la propreté de sa chambre.

Arrivé en toute hâte à la Ca’Adorasti, il s’accorda un instant pour reprendre son souffle, s’appuyant contre les battants des portes du salon de musique. L’effort fut inutile car, à peine était-il entré dans la pièce qu’à nouveau, le souffle lui était coupé. On ne pouvait voir d’elle que son profil, mais celui-ci était d’une beauté si exquise qu’imaginer son visage en entier se révélait presque impossible. On disait du musicien qu’il était trop passionné, mais comment ne pas l’être devant la délicate jeune femme assise là, à l’attendre, lui, qui s’avérait être, par le plus fou et le plus insensé des hasards, son amant du moment. L’amant, toujours subjugué, demeura immobile pendant quelques instants avant d’oser s’approcher de cette vision ensorcelante à pas lents, très lents, par peur qu’elle ne disparaisse soudainement comme un mirage. Une infinie tendresse s’insinua en lui alors qu’il détaillait de plus près ces jambes au galbe parfait insouciamment allongées ; qu’il remontait hardiment jusqu’à un jupon, une taille fine, une poitrine délicieuse se soulevant et s’abaissant paisiblement ; qu’il suivait avec fascination le mouvement de ces doigts qui enroulaient, déroulaient, enroulaient une mèche de cheveux auburn, ces cheveux qu’il avait adoré contempler épars sur ces épaules et…

Le feu aux joues, Demetrio songea à rebrousser chemin, mais déjà, il se tenait aux côtés de la comtesse – sa Brunilde – et les mots s’échappaient de ses lèvres sans qu’il n’ait l’esprit de les retenir :


« Je… Vous… Vous m’a… Vous êtes sublime. Vous m’avez manqué. Et je… je… »

Il baissa les yeux pour les relever aussitôt, de plus en plus embarrassé.

« J'ai encore une fois fait rater ma propre entrée, » conclut-il tout bas avec un sourire penaud.

Par réflexe, il esquissa un mouvement pour l'enlacer mais se rétracta aussitôt en prenant conscience du lieu où ils se trouvaient. Si par malheur, on venait à les surprendre... Plus chastement, sa main vint enserrer celle de sa compagne tandis qu'il prenait siège devant elle.


« Votre entretien avec la comtesse Accorti s'est-il bien déroulé? »
Revenir en haut Aller en bas
Brunilde Gurrieri
Comtesse - Ca'Adorasti
Brunilde Gurrieri


Nombre de messages : 53
Date d'inscription : 30/05/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleVen 14 Déc - 23:25

Brunilde avait laissé échapper de nombreux soupirs, pour finalement se plonger dans une léthargie qui lui était propre. On n'avait pas idée de faire attendre une dame comme ça ! Demetrio, surtout. Que faisait-il ? Quelqu'un s'amusait peut-être à le retenir. Donatella, sans doute, qui l'avait comme professeur. La comtesse plissa instantanément les yeux, l'image de la petite baronne se formant dans son esprit. Elles s'étaient plusieurs fois croisées Calle Bardini, et bien que la jeune fille lui fut fort sympathique, les rougeurs qui paraient trop souvent ses joues devant Demetrio ne lui inspiraient rien de bon. Et puis... !!

« Demetrio ! »

Une tâche noire lui avait obscurci l'oeil l'espace d'un instant, et Brunilde s'était brusquement redressée pour constater la présence du musicien. L'effet fut immédiat : plus une seule trace de contrariété sur son visage, simplement un sourire radieux, alors qu'elle assistait avec amusement à l'assurance affolante de son amant.

« Nous n'avons évidemment pas la même définition du mot « rater », très cher. »

Mutine, toujours mutine. La jeune femme dévora Demetrio du regard, alors qu'il s'installait après lui avoir pris la main. Il s'était visiblement retenu d'en faire davantage.

« S'il s'est bien déroulé..., elle fit mine réfléchir, ma foi, oui. Nous sommes invités à partager sa loge, ce soir, à la Fenice. Je n'ai pu me résoudre à refuser... »

Et d'ailleurs, elle ne voulait pas s'attarder sur ce sujet. Maintenant qu'elle avait sous le nez le moyen d'oublier provisoirement, elle en profiterait avec joie.

« Mais ne parlons plus de cela, voulez-vous ? », les doigts fins se libérèrent d'une timide étreinte, allant courir sur le poignet de Demetrio. Dans un même mouvement, Brunilde se redressa pour se pencher sur le musicien, se servant des accoudoirs du fauteuil comme appui. Un murmure au creux de son oreille.

« Savez-vous que votre Dame a passé une affreuse nuit ? Non, vous l'ignoriez sans doute. Autrement, vous n'auriez pas eu de retard. », sa langue alla cueillir un lobe qui, par hasard, se trouvait là, « Et même s'il est fort possible que l'on nous dérange dans notre intimité, vous ne voyez aucun inconvénient à ce que je réclame dédommagement, n'est-ce pas ? »

Un ton de fausse reproche, et qui ne trahissait que trop bien son désir. Demetrio lui avait également manqué.
Revenir en haut Aller en bas
Demetrio Catanei
Musicien
Demetrio Catanei


Nombre de messages : 42
Date d'inscription : 18/02/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleLun 17 Déc - 1:58

Les yeux de Brunilde posés sur lui, Demetrio sentit une bienheureuse chaleur se répandre dans tout son corps, à la fois étonné d’être l’objet de tant d’attention et rassuré de toujours plaire à sa dulcinée. Dulcinée, c’était là un mot qui lui ou plutôt, leur convenait à merveille. Le musicien s’était, depuis son enfance, trouvé quelque parenté l’Homme de la Mancha de par cette douce folie qui leur était commune, ce besoin vital de romantisme et fantaisie pour s’évader d’une existence trop souvent banale. Il se souvenait des railleries qu’il s’était attiré en évoquant son héros, tant de la part des autres enfants que d’adultes, Père en particulier. Se choisir comme modèle un « vieil homme sénile se berçant d’illusions » était la preuve irréfutable d’un caractère faible et inconsistant. S’il n’avait été de la radieuse présence de sa Brunilde, nul doute que Demetrio aurait sombré dans l’une de ses rêveries habituelles, enchevêtrement d’éléments du passé et des mirages qui lui étaient propres.

« Mes définitions ne sont jamais très… définies, de toute façon, » murmura-t-il pour lui-même autant que pour son interlocutrice, sur un ton d’excuse.

« Ce soir? La Fenice? répéta-t-il sans comprendre avant d’hocher vivement la tête. Ah oui, je vois. Je vois. »

Il avait préféré ne pas se joindre à l’orchestre comme il en avait l’habitude pour pouvoir se concentrer sur une nouvelle composition. Il s’adonnait à cette activité à ses heures perdues, partageant le plus clair de son temps entre des performances en soliste, ses leçons privées et sa participation à divers trio, quatuor, quintet, ensemble à cordes ou grand orchestre. Sa dernière œuvre n’avait pas été mal reçue par ses collègues - ce qui s’avérait un très bon signe, la critique fusant si facilement dans le monde de la musique - mais il s’y rattachait un si mauvais souvenir qu’il avait longtemps hésité avant de tenter sa chance pour une seconde fois. Son visage s’assombrit au rappel de cette malencontreuse affaire qu’encore aujourd’hui, il peinait à comprendre.

Reportant son attention sur la conversation, le jeune homme fut soulagé que son amante veuille bien clore ce sujet délicat. La perspective de se retrouver dans la même loge que deux femmes avec qu’il avait connu une certaine intimité le rendait nerveux et il espéra que le spectacle crée une diversion assez grande pour qu’aucune ne fasse allusion à leur liaison avec lui. Il n’osait même pas imaginer le terrible imbroglio qui en découlerait, autant chez la maîtresse esseulée que chez la nouvelle, jalouse d’anciennes conquêtes.

Un toucher éthéré chassa ces visions apocalyptiques pour envoyer des frissons le long de sa colonne, alors qu’une figure espiègle se rapprochait de la sienne. Le violoniste fut tenté de jeter un coup d’œil paniqué vers la porte, entendant déjà les pas de l’intrus qui irait les trahir au maître des lieux, mais une joue se frottant contre la sienne, une bouche caressant son oreille l’en empêchèrent.


« Je ne le savais pas, non… mais si j’avais pu y faire quoique ce soit… ce dont j’étais dans l’incapacité de faire, à moins de m’immiscer dans votre entretien avec… »

Il s’interrompit en réalisant qu’on l’avait prié de ne pas faire mention du rendez-vous de la veille. Pour sa défense, une langue éveillait ses sens et confondait son esprit, ce qui rendait son verbe plus incertain encore.

« Bref, s’il m’avait été donné d’y remédier, je me serais exécuté avec plaisir. »

Il attira sa compagne contre lui, enfouissant son visage au creux de cette gorge si douillette pour l’embrasser tendrement. Le doux parfum du jasmin l’enveloppa aussitôt et il se sentit envahi par la terrible envie d’emporter au loin la jeune femme ridiculement belle qu’il tenait entre ses bras. Ridiculement, parce qu’il lui apparaissait comme absurde d’avoir droit de chérir un être si adorable. Belle, parce que c’était ce qu’elle était. Loin, parce qu’il détestait cette condition d’être tenu au secret, aux portes closes et à la peur d’être découvert.

À défaut d’employer ce désir soudain pour fuir vers un sanctuaire de paix et de liberté, digne de la jolie déesse contre lui, Demetrio souleva Brunilde pour la poser sur le sommet du clavecin, momentanément élu support de leurs ébats.


« C’est bien la première fois qu’il m’est possible de vous dévisager droit dans les yeux en position verticale, constata-t-il, avant de rougir devant sa bévue. Pardonnez-moi, je ne voulais pas insinuer que… » commença-t-il, se mordant la lèvre d’un air coupable.
Revenir en haut Aller en bas
Brunilde Gurrieri
Comtesse - Ca'Adorasti
Brunilde Gurrieri


Nombre de messages : 53
Date d'inscription : 30/05/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleMar 18 Déc - 0:34

Brunilde étouffa un rire lorsqu'elle sentit les lèvres de Demetrio sur sa gorge. Encore un détail qu'elle appréciait énormément chez lui : le musicien ne rechignait pas à se livrer, tout comme elle, même lorsque les circonstances ne le permettaient pas. Frissons, excitation qui déjà la gagnait, la comtesse se fit un instant docile alors qu'on l'installait sur le... clavecin ? Un sourire moqueur et un sourcil arqué qui traduisait son amusement, Brunilde jaugea brièvement l'instrument et laissa échapper un « Charmant. », définitivement assurée du bon goût de Demetrio en matière de fantaisie. Elle eut cependant une moue à la remarque de celui-ci :

« La première fois ? Êtes-vous sûr ? », elle haussa les épaules et, relevant légèrement sa robe, tendit une jambe pour coller Demetrio contre elle, enserrant son cou de ses bras, « J'espère au moins que cette nouvelle vision vous plaît autant que toutes les autres. Et cessez de mordre cette lèvre, je m'en réserve le privilège. »

Le geste accompagnant la parole, Brunilde mordilla la lèvre inférieure de son amant, avant de sceller leur bouche en un langoureux baiser. Ses mains ne tinrent pas en place, et allèrent froisser l'habit du musicien, désireuses de rencontrer une peau délicate parfaitement connue, mais toujours à redécouvrir. Et elle aurait pu se perdre totalement pour savourer ce contact si seulement un bruit suspect n'avait pas écorché ses oreilles. Le cliquetis d'une serrure, auquel elle s'était inconsciemment attendue, la força à brusquement repousser Demetrio pour descendre de son perchoir, et arranger un tant soit peu sa mise.

« Ahem... Et que disions-nous... », Brunilde lança un bref coup d'oeil en direction de la porte, et vit qu'il s'agissait simplement d'un domestique. Celui-ci leur adressa un regard suspicieux, auquel elle retourna un regard incrédule, afin qu'il n'ait pas trop d'idées saugrenues, par ailleurs trop proches de la vérité. « Ah oui ! Vous deviez me montrer l'étendue de vos talents, monsieur... », et elle précisa, non sans un flot de sous-entendus dans ses yeux, « Au violon. »
Revenir en haut Aller en bas
Demetrio Catanei
Musicien
Demetrio Catanei


Nombre de messages : 42
Date d'inscription : 18/02/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleVen 4 Jan - 1:28

La nature anxieuse de Demetrio se voyait à tout coup apaisée grâce aux bons soins de Brunilde. Ce n’était qu’une fois arraché à son étreinte que ses tourments s’abattaient à nouveau sur lui et il profitait avec bonheur de cette trêve bienvenue. Un amant plus avisé se serait soucié des risques que comportait une telle liaison avec une femme dont, au demeurant, il ne savait rien, mais le musicien n’était pas celui à faire preuve d’ingratitude en questionnant sa bonne fortune. Évidemment, la comtesse Gurrieri ne lui avait pas démontré de raison particulière de s’inquiéter de leur relation, outre les tracas propres à tout libertinage qu’on désirait garder secret. Si, toutefois, il avait été au fait que cette innocente union se déroulait en dehors des liens sacrés du mariage et que l’homme désigné pour protéger la chasteté de l’épousée était aussi féroce qu’implacable… sans doute se serait-il abstenu d’être mêlé à une affaire d’une pareille ampleur.

Pour le moment, cependant, le violoniste n’était pas informé des dangers de son inclination et ce fut avec autant de ravissement que de surprise qu’il fut audacieusement attiré contre sa maîtresse. Un sourire attendri accueillit sa réplique, à laquelle il répondit aussitôt :


« Ne vous ai-je pas déjà convaincue de mon adoration totale et irrévocable, fussiez-vous… fussiez-vous… »

Il marqua une pause, réfléchissant à une position dans laquelle sa Brunilde pourrait lui paraître moins lumineuse. N’en trouvant aucune, il haussa les épaules et déclara :

« Il m’est impossible de songer à une condition dans laquelle mon éblouissement à votre endroit se trouverait amoindri. »

À peine avait-il prononcé ces mots qu’on le faisait taire et, ce qui lui avait apparu au premier abord comme d’innocents préliminaires, se mua bientôt en ébats plus sérieux, tandis que des mains malicieuses s’infiltraient sous ses habits, si soigneusement choisis pour l’occasion. Alors qu’il s’appliquait à rendre la pareille à la jeune femme, celle-ci le repoussa subitement, lui faisant comprendre qu’ils n’étaient plus seuls. Le dos tourné à l’intrus, il réajusta son jabot et reboutonna sa chemise fripée en se raclant la gorge, laissant l’honneur à sa compagne de fournir quelque explication pour leur conduite. Il savait que les rougeurs de son visage et une certaine excroissance de son anatomie trahiraient leur cause et préféra s’occuper de son violon jusqu’ici négligé.

La porte se referma et Demetrio tenait son instrument en main, ayant déjà entamé les premières notes de la première sonate qui lui était venue à l’esprit. L’abaissant, il adressa un sourire gêné à sa compagne :

« Dois-je réellement vous montrer l’étendue de mes talents, Madame? »

Bien qu’il en brûlait d’envie, il ne franchit pas la distance qui les séparait de nouveau.


« Peut-être cela serait-il plus raisonnable et fournirait aux habitants de ce palais une justification à ma présence en ces murs, différente de celle de vous tenir compagnie… »

Son archet se posa sur les cordes mais n’émit aucun son et, de plus en plus inquiet, le musicien s’enquit :


« Croyez-vous qu’on se doute de quoique ce soit? »
Revenir en haut Aller en bas
Danilo della Lonza
Gentilhomme - Ca'Adorasti
Danilo della Lonza


Nombre de messages : 92
Date d'inscription : 16/12/2006

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleMer 9 Jan - 23:57

[La Chambre de Danilo]


Danilo avançait toujours avec entrain, se dirigeant vers le salon de musique ou Brunilde l'attendait sans doute avec impatience. En approchant de la porte, un son l'arrêta brusquement dans son élan. Quelques notes. Un... Un violon. C'était un violon, à n'en pas douter, qui s'était permis d'égrener quelques notes dans la pièce qu'il se devait de rejoindre.

Sa bonne humeur fit soudain place à une appréhension malsaine. L'instant à venir devint flou; il ne savait plus ce qui l'attendait, mais cela n'avait plus rien de joyeux.

Une voix suivit les notes. Une voix d'homme. Mauvais. Une voix qu'il croyait reconnaître. Une voix, un violon, Demetrio Catanei, assurément. Quoiqu'il ne l'ait jamais entendu jouer, il se souvenait bien du ton de la voix du violoniste. C'était lui qui était là, c'était l'évidence même. Et Danilo n'aimait guère ce que cela impliquait.

Il tendit l'oreille en approchant la main de la clenche, prêt à pénétrer dans le salon de musique comme il devait de toutes façons le faire. Il ne se défilerait pas, bien que la perspective ne l'enchantât guère. Doute... Ce soit... Quel doute ? Bah.

Danilo se fit un visage en un instant, frappa doucement à la porte et entra. Brunilde était là, et, bien évidemment, Demetrio, un violon à la main. Vision d'horreur s'il en était. Non pas qu'il ait eu quelque grief contre le musicien, mis à part peut-être le fait qu'il empiétait sur l'instant qu'il aurait voulu passer en tête à tête avec la comtesse. Seulement, il n'avait aucune envie de l'entendre jouer. Vraiment aucune. Danilo salua les deux personnes chaleureusement et plus ou moins hypocritement, son sourire le plus doux sur le visage.


"Comtesse, Monsieur Catanei... Je suis surpris de vous trouver ici, cher monsieur... Agréablement surpris."

Agréablement. Ce mot lui avait écorché les lèvres. Mais il devait rester poli, ne pas se montrer peu amène avec un homme somme toute à peu près innocent. Qui blâmer? Brunilde? Peut-être pour un léger manque de délicatesse, imposer ainsi un autre homme sans prévenir... Non, c'était de la mauvaise foi. Il ne s'entendait pas de droit sur elle, la comtesse pouvait bien s'entourer de qui elle voulait. Et puis, elle ne pouvait pas savoir pourquoi il appréciait éminemment peu la situation actuelle. Il lui pardonnait donc.

"Très chère, auriez-vous, par quelque manoeuvre de votre cru, cherché à me faire comprendre que me voir jouer avec monsieur Catanei vous tenait à coeur ? Ou ceci n'est-il qu'une situation née d'un hasard fort heureux ? Je crains de toutes manières de devoir vous décevoir; j'ai peut-être quelque talent, mais j'accompagne fort mal les cordes. Je préfererai vous épargner mon peu d'aisance dans l'art de jouer à deux."

Se dépêtrer de là au plus vite.
Revenir en haut Aller en bas
Brunilde Gurrieri
Comtesse - Ca'Adorasti
Brunilde Gurrieri


Nombre de messages : 53
Date d'inscription : 30/05/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleJeu 10 Jan - 1:14

Brunilde secoua négativement la tête ; elle venait d’apprécier les premières notes, mais l’anxiété se ressentait toujours plus chez son amant et elle eut envie, tout comme lui, de s’en approcher.

« N’ayez aucune inquiétude, chacun ici sait mon goût pour la musique et je m’entoure donc comme il se doit. »

Un pli barra cependant le front de la comtesse qui, à la question de Demetrio, s’était remémoré l’épisode de la veille. Lui n’avait aucun soupçon, en fait, il ne savait rien, et le cœur de la jeune femme se serra à cette pensée. Elle força un sourire, les yeux emplis de toute la tendresse qu’elle avait pour le musicien.

« Et pourquoi se douterait-on de quoi que ce soit ? », elle désigna la porte du menton, « En raison de ces domestiques qui, sans prévenir, entrent dans la même pièce que nous et sont alors susceptibles d’imaginer une liaison ? », puis rit faiblement, « Il est vrai que nous ne sommes pas très prudents, mais… », long soupir, « Autrement, serait-ce amusant ? Soyez certain que je compte vous garder. Nul ne nous découvrira, j’y veillerai personnellement. Quant aux éventuelles rumeurs… N’y pensez pas. »

Elle avait parlé à voix basse, et s’en félicita intérieurement lorsqu’elle vit Danilo entrer. Ses paroles ne l’étonnèrent qu’à peine. Elle lui rendit son sourire, et s’enquit, mutine :

« Vous avez deviné mon dessein : c’est bien pour vous entendre jouer que je vous ai conviés tous les deux au salon de musique. », elle alla s’installer confortablement dans un fauteuil, adoptant son habituelle attitude désinvolte, « Et vous ne risquez pas de me décevoir, puisque vous allez accompagner Monsieur Catanei dans l’instant, ceci pour votre chère amie, la comtesse Brunilde. »

Elle haussa un sourcil, défiant Danilo de refuser et pointant négligemment du doigt le clavecin qui n’attendait plus que son musicien.
Revenir en haut Aller en bas
Demetrio Catanei
Musicien
Demetrio Catanei


Nombre de messages : 42
Date d'inscription : 18/02/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleVen 11 Jan - 9:10

Des paroles prononcées d’une voix douce, un sourire et un regard chargés d’affection suffirent à Demetrio pour balayer l’alarme qu’avait éveillée en lui l’intrusion malvenue d’un domestique. Il tiqua à peine à ce « je compte vous garder » qui lui rappela une fois de plus sa véritable place, sans qu’il ne s’en formalise vraiment. Contrairement à Père, il n’avait jamais été celui à trier, choisir, s’emparer, jouir, puis délaisser ses maîtresses et c’était plutôt l’opposé qui s’était produit chaque fois qu’une dame avait jeté son dévolu sur sa personne. Bien entendu, toutes n’agissaient pas avec le même degré de délicatesse et pour le moment, sa Brunilde ne se conduisait nullement comme quelques-unes des capricieuses qui s’étaient entichées de lui pour une semaine ou deux, par le passé.

Comme pour contredire sa pensée, Danilo della Lonza fit irruption dans la pièce. Aussitôt, Demetrio parut se recourber sur lui-même et presque, perdre de sa substance, son regard se fixant sur le sol tandis qu’il se mordait la lèvre d’un air indécis. L’homme ne lui était pas inconnu, il l’avait rencontré par l’entremise de son logeur, Maître Barrozi. Le violoniste n’aurait pu affirmer en toute sincérité que son confrère musicien lui plaisait. Il faisait exactement partie de ce genre d’individus devant lesquels il s’effaçait, ce qui n’avait rien d’une situation nouvelle. Les individus devant lesquels il s’effaçait étaient toutefois de deux natures : la première demandait en toute légitimité à ce que l’on s’incline, Père, Mère, le Prince Adorasti comme son prédécesseur possédaient ce panache qui leur donnaient droit de s’imposer et d’éclipser leur audience ; la seconde s’efforçait d’égaler ceux qui brillaient sans jamais y parvenir vraiment. Demetrio était certain de la catégorie dans laquelle il classait Danilo della Lonza et c’était pourquoi s’effacer en sa présence ne lui apparaissait pas toujours juste.

« S… sans doute pas pl… plus surpris que je ne le suis moi… moi-même, » balbutia-t-il, sans chercher à dissimuler son étonnement.

Pas de Monsieur de politesse. La phrase ne s’adressait pas vraiment au claveciniste, elle était plutôt dirigée vers sa compagne, dont il douta, l’espace d’une seconde, des intentions réelles.

Demetrio n’avait pas la prétention d’être jaloux ou possessif, il n’en possédait ni l’orgueil ni le caractère nécessaire. Bien que peu expérimenté et malhabile, il n’était pas non plus un imbécile et son instinct, à défaut de son esprit, lui fit comprendre que l’homme devant lui était un rival. N’étant ni jaloux, ni possessif, le musicien laissait tout naturellement ses amours le quitter sans chercher à les retenir, s’il advenait qu’elles fassent la connaissance d’un amant lui étant supérieur. Se battre lui apparaissait comme futile, non pas parce que la dame n’en valait pas la peine, mais bien parce qu’il était conscient que la décision de rester ou pas ne lui revenait pas. Il avait donc pour parti pris d’attendre et de laisser le temps faire son œuvre. Obliger une femme à demeurer à ses côtés contre son gré était une bien mauvaise façon de la remercier de ses bontés, bontés passagères mais tout de même bien réelles.


« Mon désir n’est au… aucunement d’indisposer Monsieur d… della Lonza, commença-t-il avec hésitation, son violon toujours abaissé, bien qu’il s’y cramponnât avec force. S’il lui est plus aisé de jouer en… en solo, je lui cède l’estrade avec plaisir. Nous, violonistes, avons l’habitude d’accompagner comme de jouer seuls… ou encore de simplement écouter, » ajouta-t-il, les yeux baissés.

Son désir n’était pas non plus de désobéir à la comtesse, qui insistait pour que tous deux se produisent en spectacle, mais della Lonza n’était visiblement pas emballé et le violoniste ne se sentait pas le cœur à lui infliger une épreuve qu’il semblait tant le rebuter. Ménager les susceptibilités et éviter le conflit, voilà ce qui était le plus sage. Il releva un regard confiant vers son interlocuteur, persuadé de lui avoir offert la porte de sortie qu’il espérait.
Revenir en haut Aller en bas
Danilo della Lonza
Gentilhomme - Ca'Adorasti
Danilo della Lonza


Nombre de messages : 92
Date d'inscription : 16/12/2006

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleVen 11 Jan - 13:49

Demetrio semblait surpris, lui aussi. Ainsi donc, la comtesse leur faisait la grâce de les tromper tous les deux. La créature pouvait se montrer plutôt retorse. Le violoniste semblait particulièrement perturbé, mais lui n'avait pas les mêmes raisons que Della Lonza. Alors quoi ? Il le savait particulièrement timide, mais tout de même. Peut-être espérait-il plus qu'un petit concert privé de la part de la comtesse ? Demetrio Catanei, amoureux transi, l'idée était amusante et loin d'être irréaliste.

Le violoniste tentait visiblement aussi de reculer. Enfin, de s'effacer, plutôt. Danilo lui en fut reconnaissant, quoiqu'il eut soudain un peu pitié de lui. S'il fuyait ainsi à la moindre difficulté, le pauvre homme devait être bien malheureux. Si l'idée même d'un concurrent possible l'amenait à céder sa place, fut-il le premier arrivé, il n'irait pas bien loin. Surtout que, si c'était bien ce qu'il croyait, il avait tort. Danilo n'était pas un rival. Qu'il tente donc de gagner le coeur de la comtesse, cela n'intéressait en rien le claveciniste.

Brunilde, elle, jouait à la maîtresse désinvolte. Elle dictait sa volonté d'une manière qui blessa un peu Danilo. Etait-il donc si aisé de cerner son caractère ? Apparemment, oui. La comtesse avait visiblement très bien compris qu'il résistait mal à la volonté de dames qu'il appréciait.

Il resta quelques instants silencieux, regardant le clavecin, puis Brunilde, puis Demetrio, puis de nouveau le clavecin, et encore Demetrio. La comtesse l'avait amené à l'indécision. Après tout, peut-être que son mal pouvait passer. Il s'agissait d'être professionnel, de ne pas s'impliquer trop dans ce qu'il jouait. S'il menait et que Demetrio le suivait, il n'aurait peut-être pas d'ennuis. Du moment qu'il pouvait ne pas l'écouter sérieusement. Et puis... Ce fut la pitié qui l'emporta. Si le violoniste n'avait pas tenté de se retirer, il n'aurait pas eu tant de scrupules à échapper au duo. Mais ce pauvre homme l'attristait. Il ne savait pas exactement ce qui se passait sous sa chevelure noire, mais il devait souffrir d'une carence d'ego toute particulière. Et Danilo n'avait que peu envie de lui faire perdre la face. Sans compter que Brunilde lui en voudrait sans doute de choisir l'échappatoire que Demetrio lui donnait.


"Hélas, madame, je vous soupçonne de vous servir de mes faiblesses contre moi. Vos yeux auraient été moins verts, je ne doute pas d'avoir su vous échapper. La douleur d'être votre victime m'inspirera sans doute une symphonie."

Le compliment était dit d'un ton badin et un peu ironique. Ni le genre de mots ni le son de voix qu'il aurait utilisé pour une galanterie orientée. Il fit le tour de l'instrument, lentement, caressant doucement la caisse de résonnance du bout des doigts. Suivant la courbe du clavecin, sa main vint frôler les touches d'aigus sans les enfoncer. Il avait déjà eu l'occasion d'essayer la bête, même s'il ne l'avait pas encore tout à fait apprivoisée. Elle était capricieuse, un peu dure d'approche, mais digne des Adorasti. Il s'assit sur le tabouret, laissa encore un peu courir ses doigts, pour les arrêter au dessus des notes d'ouverture. Il avait une pièce en tête, un petit quelque chose qu'il avait composé pour lui, qu'il n'avait jamais joué avec Mathilde, et ou le piano dominait très fortement -c'était d'ailleurs la raison pour laquelle Mathilde n'en n'avait pas voulu.

"Monsieur Catanei, puisque vous dites être habitué à accompagner, quoi que je trouve que limiter un violoniste à son rôle d'accompagnement est somme toute bien réducteur, je vais vous prendre au mot et mener un morceau de mon cru. Je pense que vous n'aurez pas de mal à suivre et à improviser, notre chère comtesse n'est pas dénuée d'un certain sens musical et vous voir à ses côtés m'assure que que vous n'êtes pas le premier musicien de bas étage venu. Vous m'excuserez de prendre cette liberté, mais j'avoue à ma grande honte n'avoir que très peu travaillé des pièces accordant un clavecin et un violon."

Beau mensonge que voilà. Mais enfin, il fallait bien se protéger un peu.

"J'ouvre en la majeur sur un adagio, mais le coeur du morceau est en allegro ben moderato. Laissez moi quelques mesures pour vous imprégner de l'esprit puis rejoignez moi. Cela vous convient-il ? "

Il se tourna vers le violoniste en attendant son accord.
Revenir en haut Aller en bas
Brunilde Gurrieri
Comtesse - Ca'Adorasti
Brunilde Gurrieri


Nombre de messages : 53
Date d'inscription : 30/05/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleVen 11 Jan - 18:19

Oh, bon. La surprise avait été prévue, seulement, quelque chose, qui s’était installé entre les deux musiciens, eut tôt fait de déranger la comtesse. Attentive, elle suivit patiemment l’échange, joue contre paume, et finit par retrousser le nez. Demetrio semblait enclin à laisser là l’idée du duo. Non, non, il ne fallait pas. Elle s’apprêtait à l’interrompre lorsque Danilo la devança, pour balayer de quelques mots toutes ses inquiétudes. De ce fait, elle retrouva un semblant de sourire :

« Seriez-vous contrariés, tous les deux ? Encore un peu et je le croirais ! », elle suivit le claveciniste du regard, qui venait de rejoindre son instrument, « Je ne doute pas de votre capacité à improviser, mon ami, vous ne m’avez jusque-là jamais déçue, aussi n'y a-t-il aucune raison pour que cela soit le cas aujourd’hui. »

Puis elle posa ses yeux sur Demetrio, afin de lui certifier la même chose. Son – soi-disant – manque habituel d’assurance ne l’avait pas inquiétée, il avait su lui prouver de nombreuses fois qui il était réellement ; tout d’abord, il avait suffi à Brunilde de le voir jouer, ensuite…


« Je vous en prie, messieurs. »

Elle les encouragea d’un sourire. La comtesse souhaitait voir l’embarras disparaître, ne trouvant aucune raison à sa présence dans la pièce. Le cercle restait privé, et elle-même s’était détendue rapidement – quoique cela ne fût jamais un problème pour elle.
La jeune femme finit par se concentrer de nouveau sur Demetrio, attendant également son accord, lui assurant, une seconde fois, qu’il avait toute sa confiance.
Revenir en haut Aller en bas
Demetrio Catanei
Musicien
Demetrio Catanei


Nombre de messages : 42
Date d'inscription : 18/02/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleLun 28 Jan - 5:15

La pitié exhalait de Danilo della Lonza, haleine aussi fétide qu’envahissante, qui emplissait Demetrio de dégoût. Ce mépris déguisé, cette fausse mansuétude qu’on condescendait à lui accorder n’arrivait qu’à souligner avec plus d’évidence son malaise et aucunement à l’en délivrer. Son regard se voila, luisant d’une colère et une indignation contenues avec peine. Le musicien avait toujours préféré à cet apitoiement hypocrite la dureté que lui avaient témoignée Père et Mère. L’un cherchait à ce qu’il se complaise dans la médiocrité, l’autre à ce qu’il la surpasse. Sans doute aurait-il cent fois choisi de perdre sa Brunilde de bonne guerre, plutôt que de se la faire abandonner par charité, ce qui aurait non seulement été une humiliation pour lui-même mais également pour la Comtesse, réduite à l’état de simple trophée de chasse.

S’il n’avait d’abord su s’il lui fallait également orienter son ressentiment envers son amante, le regard appuyé qu’elle posa sur lui et le sarcasme qu’adressa della Lonza à cette dernière convainquirent Demetrio qu’il n’avait pas à lui tenir rigueur de la situation. Exprimant cette confiance renouvelée, il plongea ses yeux gris dans les siens, sans se préoccuper du claveciniste en mouvement.

« Considérez-moi comme v… votre humble serviteur plutôt que votre victime, Madame, bien que ces deux statuts me conviennent tant que… qu’ils me permettront de vous côtoyer. »

L’esquisse d’un sourire acheva cette phrase étonnamment presque dénuée de tout balbutiement, témoignage de la nouvelle détermination qui l’habitait. Hochant la tête pour signifier son approbation, le violoniste vint se placer non loin du clavecin, une certaine sérénité l’enveloppant à l’idée de jouer. Il s’abstint de tout commentaire à ce qualificatif de « musicien de bas étage » qui, bien qu’il ne lui soit apparemment pas dirigé, n’avait rien de très flatteur.

Tel qu’on le lui avait présenté, l’improvisation débuta par un adagio, bientôt succédé par un allegro, sans modulations parfois difficiles à suivre. L’exercice n’avait rien de nouveau pour le jeune homme qui, malgré sa formation classique, s’était initié à ce genre de composition impromptue en compagnie de ses collègues musiciens. Des soirées entières avaient été consacrées à une telle activité, réunissant parfois des trios ou des quartets bien disparates. Ce fut donc sans trop d’effort que Demetrio prêta au jeu, se permettant quelques fois des envolées pour ensuite céder sa place à son compagnon.
Revenir en haut Aller en bas
Danilo della Lonza
Gentilhomme - Ca'Adorasti
Danilo della Lonza


Nombre de messages : 92
Date d'inscription : 16/12/2006

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleVen 29 Fév - 20:33

Le claveciniste avait pensé que se restreindre à jouer une partition qu'il connaissait bien, plutôt que de se confronter réellement à l'exercice d'improvisation l'aiderait à s'isoler du violoniste. Et, de fait, ce fut ce qui arriva, dans un premier temps. Concentré sur ses propres notes, il jouait presque sans apporter de sensibilité à sa partition, exécutant mécaniquement ses passes sans s'y impliquer émotionellement. Pour une oreille mélomane, et sans doute la comtesse était-elle suffisamment aguerrie, surtout qu'elle l'avait déjà entendu jouer dans de bien meilleures conditions, la différence était flagrante, mais il jouait.

Ce qui le perturbait le plus dans cette manière de faire, était finalement moins de choquer Brunilde, qui après tout le mettait dans cette position étrange sans lui demander son avis et qui pouvait bien souffrir une faiblesse d'interprétation pour sa petite roublardise, que de faire pâle figure devant le violoniste. Et ce n'était pas le regard que la comtesse portait sur le duo, mais bien celui que le violoniste pouvait porter sur lui. Donner de l'âme à sa musique était ce qui faisait le musicien. En ce moment, il jouait comme un enfant prodige à qui on a donné une partition, et qui l'exécute avec une technique parfaite et un manque de goût évident.

Et puis, son propre morceau finit par l'emporter. Il l'avait joué quelques fois, et bien interprété alors; le naturel revint tout seul, en deux minutes peut-être. Il fit de nouveau vibrer ses mélodies. Et se mit à écouter Demetrio, comme il avait toujours écouté son accompagnatrice. A lui laisser des occasions de s'exprimer plus, à adapter son propre morceau aux touches de personnalité que le violon dispensait dans ses envolées.

Il eut, un bref instant, l'impression sublime d'être revenu dans le salon de la duchesse de Sanancourt. C'était la duchesse qui se tenait dans la bergère, c'était Mathilde qui faisait sonner les cordes, c'était Paris et les beaux jours qu'il y a avait passé; point de Venise, de comtesse Gurrieri ou de Demetrio Catanei dans ce portrait.

Un instant, rien qu'un instant. Il tourna la tête vers Demetrio, voulant sourire à Mathilde. Le visage du violoniste avait beau être fin, il n'avait pas grand chose à voir avec... Le retour à la réalité fut brutal, atrocement brutal.

Comme l'accord suivant d'ailleurs. Sa main gauche caressant les graves s'abattit soudain, plaquant un accord approximatif et particulièrement laid. Il tenta bien de se reprendre, d'assurer les parties de sa main droite et de replacer sa main gauche, mais la mélodie sonnait maintenant faux.

Quelques secondes, qui lui semblèrent une éternité, et puis brusquement il abattit de nouveau sa main gauche sur les notes, crispa le poing, repoussa son tabouret, se leva et resta là, pantelant, à contempler les touches. Il n'était pas difficile de voir qu'il tremblait désormais de tous ses membres.


"Non, non... Vous ne pouvez pas me demander cela..."marmona-t-il plus pour lui-même que pour la comtesse.

Il se retourna vers cette dernière, avec un coup d'oeil de bête traquée, détourna le regard, revint finalement sur elle, des perles dans les yeux et le cou palpitant de nervosité.


"Donnez moi n'importe quoi, un autre instrument, ou peut-être un violoniste, oui, un qui joue mal, un de ceux qui ne savent pas dépasser le son de la corde mal frottée, là, je ferais ce que vous voulez comtesse, ce que vous voulez. Mais... Mais pas ça. Ne me donnez pas un violoniste talentueux, pas un qui sache mettre son âme sur ses cordes. Plus jamais vous m'entendez, jamais non jamais!"

Il ne criait pas, il parlait vite et presque bas, le souffle court, il jetait les mots presque au hasard. Il n'était de nouveau plus en état de penser. L'illusion du bonheur retrouvé ne laissait jamais rien d'autre qu'une amertume étouffante et deséspérante lorsqu'elle s'envolait. Deux fois dans la même journée, deux fois on le surprenait dans ses moments perdus; et il ne s'agissait plus ici d'une servante qui l'aimait peut-être. Il pensait pouvoir faire confiance à la comtesse, mais à venise il ne fallait juger de rien. Quant à Demetrio... Il ne le connaissait simplement pas assez pour savoir.

Il restait là avec dans son corps tout l'idée de l'homme qui veut fuir et disparaître à tout jamais; et pourtant, il ne bougeait pas. Peut-être un semblant de maintien, qui lui rappelait de ne pas trop s'abaisser. Peut-être l'envie de savoir ce que les deux autres comprenaient de son instant de folie.
Revenir en haut Aller en bas
Brunilde Gurrieri
Comtesse - Ca'Adorasti
Brunilde Gurrieri


Nombre de messages : 53
Date d'inscription : 30/05/2007

Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin PerleJeu 13 Mar - 18:17

La Comtesse gardait sa position, mélange d’entière attention et de désinvolture. Son regard n’exprimait que bienveillance, et il était évident qu’elle se réjouissait à la perspective de ce duo. Les coins de ses lèvres ourlés en un léger sourire, elle laissait les deux musiciens à leur entretien, jouant son rôle de spectateur muet, comme elle en avait l’habitude. Naturellement, elle avait conscience du malaise qu’elle venait d’engendrer, et considérait celui-ci comme tout à fait justifié, plutôt que d’en soupçonner la réelle intensité.

Soit, on débuta. Brunilde ne perdit pas son sourire, pas encore, malgré la différente évidente quant à la présence de Danilo dans sa musique. Et il s’agissait précisément de cela : le claveciniste n’était pas là. Compréhensive et amusée en son for intérieur, la jeune femme pensa – logiquement ? – qu’il finirait par arriver. Toujours, elle ne soupçonnait rien, pour la simple et bonne raison que Demetrio, lui, ne semblait rencontrer aucun problème dans la performance.
Puis, elle finit par se laisser aller entièrement contre le fauteuil, les yeux fermés, sa tête se balançant faiblement, signe qu’enfin, elle venait de retrouver son ami claveciniste dans toute sa splendeur et son talent. Elle se réjouit, soulagée, après en avoir déduit que le malaise s’était dissipé.
C’était sans compter cette… note. Brutale, tranchante, qui bousculait et se mettait à l’écart des autres. Si bien qu’elle arracha un sursaut à la Comtesse, qui ouvrit instantanément les yeux pour assister à une sorte de déclin. Celui de Danilo.
Lentement, elle se redressa dans son siège, sans se lever, attentive, mais ne cherchant pas à dissimuler la surprise qui s’était peinte sur ses traits. Allons donc ? Elle le regarda quitter son instrument, perçut chacune de ses réactions, ouvrit même la bouche pour s’enquérir de son état mais, bien vite, se ravisa. Le regard qu’il eut manqua de la bouleverser. Les paroles également. Elle ne comprit pas concrètement ce qui lui arrivait, mais ressentit le besoin de ne pas trop l’exposer, sachant tout aussi bien que Danilo ne connaissait pas Demetrio.

Prenant appui sur les accoudoirs, Brunilde se leva vivement, un sourire forcé sur les lèvres. Serait-elle stupide de tenter cela ? Oh, chacun ici s’en rendrait compte, et elle attendait que son intervention soit respectée, pour le bien-être de tout le monde.


« Ah ! Il suffit. », elle s’avança et se risqua à poser une main délicate sur l’avant-bras du claveciniste qui tremblait, puis tourna son attention vers Demetrio, « Je crois, mon cher, que votre talent n’a pas laissé Monsieur della Lonza indifférent. L’émotion que j’ai moi-même ressentie a sans doute été décuplée chez lui, du fait qu’il soit artiste, mais cela est sans surprise, n’est-ce pas… »

Un voile passa brièvement sur son visage, elle était désolée et espérait que Demetrio comprendrait sa démarche. Sans s’interrompre, et faisant entièrement face à Danilo :

« Vous avez tous les deux été remarquables, et j’ose espérer que vous me pardonnerez ce qui semble avoir été une simple maladresse de ma part. Sachez que j’en suis sincèrement navrée et, en tout les cas, vous remercie de tout cœur pour cette superbe performance. »

Le regard qu’elle adressa alors à Danilo n’appuya pas ses paroles. Il était plutôt un reflet de vérité : en réalité, elle attendait du claveciniste qu’il explique clairement sa réaction. Elle se doutait que quelque chose n’allait pas, ne prenait pas son attitude pour un instant de folie, et souhaitait un pas en avant de sa part. Qu’il l’éclaire. Plus tard, sans doute.
Sur cette pensée, la Comtesse haussa les épaules et leva les yeux au plafond, arborant un air mutin :

« De toute manière, je peux bien me contenter de la musique d’un seul d’entre vous à la fois. Vous disposez du droit de me châtier pour avoir eu la mauvaise idée de vous réunir, mais vous ne me refuserez pas quelque écoute à l’avenir, n’est-ce pas ? »
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Autour du Clavecin Empty
MessageSujet: Re: Autour du Clavecin   Autour du Clavecin Perle

Revenir en haut Aller en bas
 
Autour du Clavecin
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Autour du Clavecin

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
VENISE :: ENTRE NOUS :: CA' ADORASTI :: L'Etage Inférieur :: Le Salon de Musique-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser