VENISE
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 Le Caffé Florian

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Enza Rig
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleJeu 9 Mar - 16:16

Enza eut l'air soulagé, rassuré et un sourire charmeur illumina de nouveau son visage.

Elle porta la tasse à ses lèvres et but une délicate gorgée. La tasse de porcelaine tinta légèrement quand Enza la reposa dans la soucoupe.


"Vous me voyez bien aise, monsieur, de ne point vous voir prendre la mouche sous prétexte que nous n'appartenions point au même monde."

L'attitude de De Valombreuse touchait profondément Enza. Non seulement, il ne la rejetait point pour le fait qu'ils n'avaient pas la même naissance, mais en plus il se montrait charmant, tout sourire et tête penchée.

Cependant, la question suivante lui rappela abruptement la précarité de son existence. Cependant, se sentant en confiance, elle répondit :


"Hélas, non, monsieur. Je ne suis point au service de qui que ce soit. Je n'ai que quelques maigres économies afin de me sustenter. Je suis arrivée depuis peu et... je n'ai point trouvé de travail. Mais croyez bien, monsieur, que je saurais rester trop longtemps inactive."

Son regard s'assombrit d'une manière presque imperceptible :

"Je n'ai pas d'autre choix, monsieur, car ce qui reste de mon pécule ne me suffira pas à rester longuement à Venise..."

Sa main se porta à son oeil, comme pour y chasser la naissance d'une larme.
Elle reprit d'un ton plus enjoué :


"Mais nous nous attardons sur mon sort... Fi, de nous y apitoyer ! Apprenez moi plutôt qui vous êtes, monsieur... si ce n'est pas trop indiscret de ma part, il va de soi !"
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Louis de
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleJeu 9 Mar - 20:36

"Moi? Oh! Je ne suis qu'un gentilhomme de province qui a hérité d'un titre et d'un domaine."

Son regard se perdit dans le vague un instant comme s'il se plongeait dans ses souvenirs.

"Après la mort de mon père, j'ai décidé de voyager car on dit qu'il n'y a pas de meilleur moyen pour faire un honnête homme. J'ai commencé par visiter l'Italie et la Providence m'a conduit à Venise.
Charmé par cette ville, j'ai choisi de m'y établir un moment.
A présent je ne cherche qu'un peu d'amusement et toutes les occasions d'aventures que j'y pourrai trouver."

Louis remplit à nouveau la tasse vide de son interlocutrice, puis la sienne.

"Je compatis fort à votre triste situation mais je ne saurais vous recommander auprès de gens de bien puisque je suis moi-même un étranger. Avez-vous, dites-moi, des talents ou des prédispositions qui pourraient vous faire gagner de quoi subsister? Quels sont vos projets dans cette cité?"
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Enza Rig
Invité




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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleLun 13 Mar - 17:13

Enza remercia Louis d'un sourire après qu'il eut rempli sa tasse de nouveau.
Puis son sourire s'élargit encore plus grandement quand Louis eut terminé de poser ses questions. Elle répondit d'un ton amusé après un léger rire :


"Eh bien, monsieur de Valombreuse, tenteriez vous de me faire sombrer tel un navire sous votre salve de questions ? Que d'indiscrétion de votre part !"

Enza leva sa tasse à ses lèvres mais ne but pas, jugeant le contenu encore trop chaud pour s'y risquer. Elle la reposa sur la table, plongeant son regard dans celui de Louis, comme pour le sonder. Puis avec un nouveau sourire charmeur, cette fois, elle répondit :

"Il est vrai que je n'ai nullement eu d'héritage. Mais... tout comme vous, je cherche l'aventure... Je n'ai guère de projets définis et si mes pas m'ont menés à Venise, c'est probablement parce que le destin en aura voulu ainsi."

Enza prit un air plus ingénu et posa doucement sa main sur la table :

"Quant à mes talents ou mes prédispositions, comme vous le dites, monsieur, j'attends de rencontrer celui ou celle qui saura les découvrir."

Elle s'arrêta quelques secondes, détournant son regard des yeux de Louis pour le porter sur les individus qui entraient ou sortaient de l'établissement avant de le replonger dans celui de son interlocuteur :

"Peut être s'agit il d'une de ces personnes qui nous environnent... Cet homme là bas avec ses cheveux bouclés ou encore celui-çi qui vient d'entrer... ou encore celui là avec ses bottes boueuses... A moins qu'il ne s'agisse de vous, monsieur de Valombreuse ?"
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Louis de
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleLun 13 Mar - 20:47

Louis eut un petit rire.

"Qui sait? Peut-être! Mais... vous devez savoir, je pense, qu'une femme de votre condition, livrée à elle même et sans ressource dans une grande ville, peut se voir réduite à exercer... mon Dieu, des activités que les moralistes vouent aux gémonies!"

Ses beaux doigts blancs avaient cessé de tapoter la table.

"Vous vous décrivez comme une aventurière... cela signifie-t-il que vous avez renoncé à toutes les fausses pudeurs dont s'encombrent les hypocrites? Etes-vous décidée à vous forger un destin grâce à tous les outils dont vous disposez? Ou croyez-vous sincérement qu'une âme noble viendra vous tirer de la rue pour vous établir et faire de vous une dame?"
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Enza Rig
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleMar 14 Mar - 11:06

Enza avait l'air de plus en plus amusée par les questions que lui posait Louis. Cependant, en son for intérieur, elle ne comprenait pas trop où il souhaitait en venir. Elle se décida à clarifier la situation.

Avec un grand sourire amusé, presque provocateur, elle répondit :


"Pensez vous sincèrement, monsieur, que malgré ma condition modeste, je sois nécessiteuse à ce point d'attendre d'une 'noble personne' comme vous le dites si bien qu'elle fasse de moi une 'dame' ? N'avez vous vraiment qu'une si faible considération pour ma personne ? Estimez vous qu'en tant qu'aventurière de mon état, je ne suis qu'une femme de mauvaise compagnie ? Si tel est le cas, monsieur, vous m'en voyez chagrinée !"

Enza détourna son regard du visage de De Valombreuse, prenant un air faussement triste avant de reprendre, toujours visiblement très amusée :

"La vie m'a en effet apprit, monsieur, à ne point m'encombrer de ces pudeurs inutiles qui m'auraient laissées attendre la venue d'un improbable prince charmant assise au coin de l'âtre à exercer quelque travail de couture dans mon petit village natal de province !
Je crois, monsieur, que là n'est point mon destin ! J'ignore ce qu'il sera mais.... peut être en êtes vous un acteur ?"

Enza rapprocha sa main de celle de Louis, presque au point de lui effleurer les doigts.
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Louis de
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleMar 14 Mar - 23:50

Louis partit dans un grand éclat de rire.

"Tout doux la belle! Vous allez vite en besogne! Reprenez donc un peu de cette tisane."

Et il remplit à nouveau sa tasse.

"A vrai dire, je cherche un guide qui pourrait me faire visiter cette ville et disons... ses attraits cachés... seriez-vous intéressée par un tel emploi? Connaissez-vous suffisamment Venise pour me montrer ce que les visiteurs de passage ne découvriront jamais?"
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Enza Rig
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleMer 15 Mar - 10:40

Enza était satisfaite... Elle était parvenue à faire rire Louis et elle aimait lire l'amusement dans les yeux de ce dernier. Toujours souriante, elle le regarda lui servir une autre tasse puis répondit :

"Hélas, monsieur, je suis tout comme vous, étrangère à cette ville et, pas plus que vous, je ne connais Venise. Cependant, si toutefois nous pouvions trouver un guide, je serais fort grée de pouvoir vous accompagner."

Enza posa ses doigts sur l'anse de la tasse mais, la laissa posée sur la soucoupe. Puis elle ajouta :

"A condition bien sûr, que ma présence à vos côtés ne vous importunasse point et que, cette fois encore, je n'aille point trop vite en besogne comme vous me le faites remarquer."
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Louis de
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleMer 15 Mar - 15:19

Louis plissa les yeux en fixant la jeune femme. Il la contempla un instant comme s'il voulait lire dans ses pensées.

"Pourquoi pas? Mais une chose me gêne... vous vous dites d'origine humble mais vous ne parlez pas comme une petite paysanne. Où avez-vous appris à vous exprimer de la sorte? Auriez-vous profité d'une éducation digne de ce nom? Je ne veux pas vous offenser mais ce genre de privilège est des plus rares chez les gens de votre condition..."

Le chevalier s'étira sur sa chaise et passa fugacement la paume de sa main sur son menton.
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Enza Rig
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleMer 15 Mar - 23:23

Enza prit un air étonné :

"M'offenser ? Monsieur ? Alors que vous me versez du compliment ? Voyons, monsieur De Valombreuse, croyez vous sincèrement que je serais venue m'égarer à Venise et que je partagerais quelque boisson chaude avec un homme tel que vous si j'étais restée 'une petite paysanne' ?"

Elle se leva, la main appuyée sur la table :

"Comme je vous l'ai dit, monsieur, mon destin n'est pas dans cette vie de paysannerie à laquelle me prédestinait ma naissance ! L'éducation à laquelle vous faites référence n'est en réalité que le fruit de l'expérience de mes voyages et de mes rencontres !"

Malgré sa politesse apparente et son air bravache, le ton d'Enza trahissait une certaine colère. Ses yeux rougissaient comme si elle était au bord des larmes :

"Sans vouloir vous offenser à mon tour, monsieur, si vous préférez la compagnie de quelque sotte ou de quelque rustre sauvageonne, 'la paysanne privilégiée' que je suis, est prête à prendre congé de vous ! Inutile de me malmener ainsi, il vous suffit de me le demander !"
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Louis de
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleMer 15 Mar - 23:51

Louis fit mine de gronder la jeune femme.

"Allons ma chère ne montez pas sur vos grands chevaux! Vous ne pouvez pas me reprocher d'être surpris par une paysanne employant l'imparfait du subjonctif!"

Il fit un geste de la main pour l'inviter à se rasseoir.

"Asseyez vous je prie, votre compagnie est des plus agréables et je ne saurais vous laisser repartir toute seule dans cette nuit glacée..."

Il leva la main pour attirer l'attention d'une servante.

"Du reste, vous perdriez quelque chose en ne goûtant pas ce délicieux café dont je sens d'ici les effluves... et que je me fais fort de vous commander sur le champ. Cependant, veuillez me pardonner, je dois vous quitter déjà alors que nous avons à peine fait connaissance, mais une affaire urgente que j'avais oubliée m'appelle ailleurs."

Sans attendre, il se leva et apres avoir salué la jeune femme s'eclipsa.

[dernier post de Valombreuse]
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Enza Rig
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleJeu 16 Mar - 17:04

Enza se rassit après une légère hésitation. Elle garda un air maussade jusqu'à ce que Louis lui avoue qu'il trouvait sa compagnie des plus agréables...
Elle retrouva un léger sourire mais sembla garder une certaine distance vis à vis de son interlocuteur ainsi qu'une certaine froideur dans le ton :

"J'accepte ce café, monsieur De Valombreuse, mais sous réserve que nous ne parlions plus de ma personne. Après tout, vous m'en avez dit tellement peu sur vous que je vous m'êtes encore complètement étranger !"

Enza avait à peine terminé sa phrase que Louis de Valombreuse, comme tout gougeat qu'il était, trouva un prétexte pour prendre congé.
Elle resta bouche bée, soufflée de cette incorrection. Furieuse, elle était à deux doigt de se lever pour rattraper le malapris mais sa conscience la retînt. Une dame de Venise ne se devait certainement pas d'agir de la sorte.
Elle regarda Louis sortir de l'établissement, les yeux rougis par les larmes de la colère qu'elle parvenait difficilement à retenir.
Dès qu'il se fut suffisamment éloigné et avant que le serveur n'apporte le café dont il était question, elle se leva, rajusta la lourde cape sur ses épaules et sortit également, persuadée qu'une errance dans la nuit et le froid vénitiens parviendrait à calmer sa hargne.


[Adorasti - l'Office]


Dernière édition par le Jeu 16 Mar - 17:05, édité 1 fois
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Iago degli Albizzi
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleSam 18 Nov - 22:13

[Le lendemain - la Prison]

Iago arriva devant le café, ouvrit avec détermination la porte et ne se préoccupa pas de savoir si Annavera voyait la porte se refermer sur son nez ou non.

Il y avait déjà un certain nombre de joueurs d'échec ainsi que quelques consommateurs, le tout formant un tableau assez réaliste (et donc d'une insoutenable laideur) de la vie humaine.

Iago choisit donc une table d'où il pouvait éviter de voir tout cela, c'est-à-dire où il serait face à un mur. Même si les murs étaient couverts de décorations qui démontraient que malheureusement les bons artistes ne couraient pas les rues.

Il se contenta de se retourner vers la femme qui devait être là pour lui lancer très amusé.


"Alors, comme ça, vous me connaissez ? Nous nous sommes déjà rencontrés, vraiment ?"
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Annavera de Luca
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleSam 18 Nov - 22:48

[La Prison]


Si Annavera avait précédé Iago, celui-ci n’avait pas tardé à la doubler et à entrer dans le Caffé Florian. Sans lui tenir la porte. Porte qui se referma presque aussitôt sur son nez. Chose qu’Annavera aurait dû prévoir, tout comme le fait que ce monsieur ne connaissait ni les bonnes manières ni la galanterie. Poussant à son tour la porte, elle fut accueillie par un jeune valet qui la délesta de sa mante avant de lui proposer une table.

Déclinant celle-ci, elle chercha du regard l’homme qui l’avait devancée. Elle le trouva dans un coin, dos à la salle et observant le mur. Les humbles mortels occupants la salle ne devaient pas mériter son illustre attention d’où sa posture dédaigneuse. Posture qu’elle trouva du reste, puérile. Se rapprochant, elle ne put que recueillir la question amusée qui fusa quand Iago se retourna vers elle.

Prenant son temps, elle prit place en face de lui, c'est-à-dire dos au mur. Puis faisant un signe à un serveur, elle glissa :


« En effet, nous avons eu le déplaisir de nous rencontrer une fois. Je ne doute pas que vous avez dû oublier cette entrevue tant votre mépris de la gente féminine est grand. Entrevue dont je me serai alors fort bien passée, si ce n’était le Prince di Grazziano qui vous accompagnait. »

Le serveur venait de se précipiter vers eux. Dans une attitude respectueuse, il attendit qu’ils fassent leur choix.
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Iago degli Albizzi
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleDim 19 Nov - 1:00

"Un café"

Iago lissa un peu le tissu qui recouvrait la table.

"Déplaisir de se rencontrer ? Rien que ça ? Et bien... savez-vous que c'est un mauvais signe pour vous ? Contrairement à ce que vous avez l'air de penser, un autre mauvais signe pour vous, je ne suis absolument pas quelqu'un qui a des principes rigides.
Ainsi, si j'ai une opinion assez peu élevée de ce qu'on appelle le beau sexe (et chacun sait depuis que le grand Barde l'a si magnifiquement exprimer : "fair is foul and foul is fair"), cette opinion n'est basée que sur l'observation d'une assez large série de cas.

Cette opinion, je ne la considère en aucunes façons, comme une règle générale qui s'appliquerait a priori, mais toujours, uniquement a posteriori.
Ainsi, si j'ai été insupportable la dernière fois que je vous ai vue, et si j'ai oublié cette rencontre, c'est sans doute parce que je vous ai jugé stupide, non pas en tant que femme prise dans une généralité, mais en tant qu'individu qui, a posteriori, vient confirmer le triste tableau représentant la gente féminine.

Et voyez jusqu'où va la souplesse de mes convictions ! Alors même que l'expérience m'a prouvé que les gens ne changent jamais pour le mieux, et que j'ai toutes les preuves que vous n'avez pas présenté un grand intérêt la dernière fois que je vous ai vue, je suis tout à fait prêt à ne pas vous trouver idiote tout de suite, et cela, malgré le fait que votre comportement ne trahisse pas un développement intellectuel passionnant..."

Iago avait dit tout cela avec le plus grand naturel, beaucoup de gestes de mains, de haussement de sourcils et de sourire ironique. Comme d'habitude, il ne cherchait aucunement à être méchant, mais simplement à dire ce qu'il pensait.
Il enleva machinalement quelques brins de paille qui traînait sur son épaule, avant de planter ses coudes sur la table et de regarder Annavera droit dans les yeux.


"Bien, mais alors, on vous appelle comment, vous ?"
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Annavera de Luca
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleDim 19 Nov - 19:04

« Un café viennois »

Le serveur s’en alla quérir les boissons, et Annavera écouta la tirade de son vis-à-vis. Après être une sorcière, elle était stupide. Mais dans l’ensemble, cela était intéressant : ainsi il n’avait pas de principes rigides. Première nouvelle.

« Je suis ravie de constater que mon comportement comme vous dites, ne trahit pas de développement intellectuel. Je mettrai cela ainsi que vos autres insinuations sur le compte d’une nuit agitée. Mais comme vous avait l’air de m’offrir une deuxième chance afin que nous fassions meilleure connaissance, et donc que je vous fasse bonne impression en vue de constater que je ne suis pas une idiote ; Je vous propose d’oublier ces exagérations d’où semble venir un… malentendu. »

Elle marqua une pause, tandis que le valet leur apportait leur commande sur un plateau en argent. Puis soutenant le regard de Iago, elle reprit :

« On me nomme aujourd’hui, Annavera de Luca. Cela vous convient-il ? »
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Iago degli Albizzi
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleDim 19 Nov - 21:24

Iago ne releva pas tout de suite les paroles de la jeune femme. Il contemplait les deux tasses que le serveur venait d'apporter. C'était toujours étonnant de voir à quel point ce que les gens commandaient était révélateur, jusqu'à un certain point, bien sûr, de ce qu'ils étaient.

Il suffisait de regarder la tasse débordante de glace et de crème qui trônait devant Annavera puis de porter son regard sur sa tasse à lui, remplie d'un breuvage noir et amer.

Il plongea une petite cuillère dans son café, la releva et regarda le liquide marron retomber dans la tasse en faisant quelques éclaboussure sur la nappe. Il eut un petit rire et murmura une phrase, plus pour lui-même que pour Annavera.


"Et oui... Dis-moi ce que tu bois, je te dirai ce que tu es..."

Il lâcha la petite cuillère avant de relever son regard vers Annavera.

"On vous appelle comme ça aujourd'hui ? Parce qu'on ne vous a pas toujours appelé comme ça peut-être ? Quelle..."

Iago secoua la tête et balaya la suite de sa phrase d'un geste de la main. Après tout, cela ne le regardait pas. Et il s'en fichait complètement.

"Cela ne me convient pas plus que cela ne me disconvient, vous pouvez vous appeler comme vous voulez. Cela m'est complètement égal. Un nom n'est qu'un nom, qu'un mot, c'est-à-dire un rien du tout. Mais peu importe. Le vôtre ne me dit rien.

Alors, vous connaissez Ugo ? J'imagine que vous habitez au palais vous aussi ? Vous n'êtes pas sa cousine par hasard ? Il parait qu'on attendait une cousine... Mais vous n'avez pas une tête de cousine, si cela peut vous rassurer..."
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Annavera de Luca
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleJeu 23 Nov - 0:03

Elle entendit la phrase murmurée, et reporta son attention sur sa tasse. Et bien ? Elle avait commandée un café dit viennois et avait eu ce qu’elle désirait. Certes, le serveur avait eu la main lourde sur la crème… Mais après tout c’était un café viennois, et qui dit café viennois, dit café avec du lait chaud battu et de la crème.
Trempant ses lèvres dans son breuvage, elle constata que le valet avait dû un peu trop insister sur la crème fouettée… Pas mauvais, mais certainement écoeurant à la longue. Voici un café qu’elle ne finirait pas.
C’était toujours la même chose : sous prétexte qu’elle était une femme les serveurs l’inondaient de glace, de crème, de sucre. Ridicule. Alors qu’elle préférait ce qui était épicé et relevé. Enfin, là n’était pas la question. Le café était somme toute satisfaisant, mis à part un seul point : la crème... Pourtant elle aurait dû s'y attendre.

Elle ne refit surface hors de la crème qu’à la question-réponse de Iago. Décidément, cet homme était un habitué des monologues. Une cousine ? Ah, oui. D’un sourire un peu ironique et dénué de toute trace de café ou de crème, elle se fit un devoir de répondre à ses interrogations :


« Merci de me rassurer sur ce point. En effet, une cousine est apparue presque en même temps que moi ; Vous aurez sans doute le plaisir de faire sa connaissance très bientôt... Quand à moi, je suis arrivée très tard dans la nuit, et je compte vivre au Palais le temps que durera mon séjour. Et pour votre question concernant le Prince, oui je le connais. Si cela vous intéresse, je puis également vous annoncer l’arrivée du cadet des Grazziano. »

Reprenant sa tasse, elle sirota tranquillement son café en jetant une œillade amusée à l'homme assis en face d'elle.
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Iago degli Albizzi
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleJeu 23 Nov - 1:28

Iago avait continué à humer l'arôme fort de son café tout en écoutant la dame parler.
A vrai dire, non, cela ne l'intéressait pas.

Il n'avait que peu d'intérêt pour l'arrivée de la personne en face de lui, de même que pour l'arrivée de la cousine et du frère d'Ugo. Après tout, c'était soit des choses qu'il pouvait déduire lui-même, soit qu'il constaterait bien lorsqu'il serait amené à les constater...

Et ce qui pouvait à la rigueur l'intéresser, à savoir, comment avait-elle connu Ugo, qui était-elle, pourquoi était-elle là, elle ne le disait pas. Et Iago n'avait pas l'intention de se fatiguer pour essayer de le savoir.

Il pianota un instant sur la table, puis, d'un coup, vida sa tasse.
Il grimaça et secoua la tête. C'était trop chaud et très amer. Il étudia de nouveau la femme en face de lui, qui le regardait par dessus la crème.
Répugnant.


"Et bien, Madame, tout cela est bien beau. Le palais se remplit de mouches, à croire qu'il y a déjà un cadavre..."

D'un mouvement circulaire assez étrange, il se trouva debout et la salua d'un chapeau invisible.

"Madame, merci pour ce délicieux breuvage. Croyez bien que ma gratitude durera aussi longtemps que sa chaleur dans ma gorge... C'est bref, mais sincère car cela n'en vaut pas plus."

Il allait partir mais se ravisa, regarda d'un air méditatif la dame de Luca avant d'ajouter d'un ton curieux mais aussi peu convaincu.

"Je me demande ce que vous serez, dans dix ans, quand la..."

Là, il hésita un instant, désignant d'un geste de main vague la robe d'Annavera, sa coiffure, son visage jeune.

"...'crème' aura fondu..."

Immobile une fraction de seconde, il haussa les épaules. Quelle importance, de toutes les façons, cela ne serait sans doute guère plus engageant que ce qu'il y avait maintenant.
Il fit volte face et s'en alla à grandes enjambées. C'est qu'il avait une visite à faire... Imprévue, certes, mais une visite.


[Calle Bardini - Maison du médecin]
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleJeu 4 Jan - 0:05

[Ca'Adorasti - Canal]

A longer le Grand Canal à pieds, le jeune prince avait compris l'intérêt du transport fluvial. Non qu'il n'aimât l'exercice mais le froid et l'humidité aidant, il trouva bien vite la promenade inconfortable.

Il ne fit cependant signe à aucun des bateliers qui proposaient leurs services. L'eau n'était pas, et de loin, son élément.
De voir les barques s'agiter doucement, de sentir les vapeurs excrémentielles se dégageant des déversoirs qui menaient les souillures des ruelles jusqu'au canal, de deviner ça et là certaines choses qu'il s'interdit de nommer flotter entre deux eaux, il se sentait de moins en moins prés d'aimer Venise.

Il mit le pied sur la place Saint Marc avec un soupir de soulagement non feint. Enfin un espace suffisamment dégagé et vaste où l'on pouvait, avec un peu de volonté, oublier l'eau. D'ailleurs, au vu du nombre de promeneurs qui se pressaient là dans le but de parader, il compris vite que ses pas l'avaient dirigé vers le lieu où, à Venise, il était bon d'être vu.
Et reconnu.

Malheureusement, arrivé de la veille, il n'avait encore fait la connaissance de personne et n'avait, de fait, aucune valorisante compagnie à exhiber.
Malheureusement ou heureusement.
Parce que tout restait à faire et qu'il partait de neuf. Aucune rumeur à son sujet ne devait être arrivée jusqu'ici et il pouvait jouer au tendre jouvenceau autant qu'il le désirait.
Il eut une petite grimace.
Jouvenceau.
La moue s'accompagna d'un froncement de nez.
Non, décidément non.
Il était Raffaele di Grazziano, et ne pouvait plus prétendre à l'appellation de jouvenceau depuis plusieurs années déjà. Et cela ne lui manquait en aucune façon. Il adorait être le libertin auquel s'offraient les plaisirs et n'aurait donné sa place pour rien au monde. Il adorait qu'on le sache et qu'on lui en reconnaisse le titre.

La devanture du Caffé Florian d'où un petit groupe sortait en riant l'attira comme un aimant.
Un endroit chaud, sec et où l'on servait très certainement de délicieux alcools. Un endroit d'autant plus intéressant qu'il ne doutait pas y trouver l'agréable compagnie qui lui faisait défaut.

La porte s'ouvrit devant lui et un valet reçu le manteau qu'il lui lança. Il choisit une table libre d'où il pouvait observer l'assistance tout en étant sûr d'être vu. Un verre d'excellent Brunello lui fut apporté à peine en eut-il exprimé le désir.
Son regard tomba sur une jeune femme, seule, qui savourait une tasse de café viennois avec une mine gourmande. Une chatte devant une jatte de crème. De distrait son regard se fit intéressé. Il savait d'expérience que la gourmandise était toujours une bonne chose chez les femmes, puisqu'elle annonçait certaines prédispositions propres à ravir un jeune homme dans son genre.
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleVen 5 Jan - 7:01

C’est avec un plaisir évident que Luciano redécouvrait les lieux de son enfance. Son existence s’était partagée entre la Florence d’Andrea et son propre domaine vénitien, et si ses souvenirs les plus vivaces demeuraient auprès de son ami, il n’en demeurait pas moins que la Sérénissime avait été le décor de bien des péripéties mémorables. Le détour d’une ruelle étroite lui rappela les indiscrétions qu’on commettait à l’abri des regards, toujours jouvenceau ; la façade d’une parfumerie le renvoyant aux premiers présents offerts à la damoiselle à qui on était forcé de faire la cour… et à la gifle qui nous était octroyée lorsqu’on osait lever le nez sur la dite damoiselle.

C’était cependant un regard d’homme fait, aux motivations fort différentes de celles d’alors, qu’il posait sur les endroits qu’il avait connus. Au moins était-il délivré de la pénible tâche de veiller sur un foyer pour lequel il ne ressentait aucune affection, un poids que seule l’espérance du retour d’une vie moins morne avait su lui faire porter. Dégagé de ces devoirs aussi astreignants que fastidieux, il avait pu en revenir à ses premiers amours, découverts à Florence et développés depuis. La tâche qui le ramenait à Venise relevait de ces loisirs, car rien ne lui paraissait plus délectable que nouer comme dénouer des intrigues, cultiver les malentendus et admirer, à la toute fin, le résultat des imbroglios nés sous sa main. Un sourire amusé aux lèvres, le patriarche Adorasti aurait sans doute réprouvé ces jeux qualifiés à tort de retors, mais sans tous ces mystères, sa Maison ne jouirait possiblement pas de la même prospérité. Réciproquement, les di Lorio avaient bénéficié des stratégies impitoyables prônées par la famille d’Andrea. De toujours, leur alliance avait mené à une fortune mutuelle, qui ne se perpétuerait que si Elio acceptait les conseils et critiques de l’aristocrate.

La faim, une considération plus terre-à-terre, rappela au noble qu’il était l’heure du déjeuner. Ses pas le menèrent tout naturellement vers le Caffe Florian, l’une des rares enseignes qui n’eussent jamais perdu de son raffinement. Il traversa la Place Saint-Marc en adressant ses salutations aux figures connues. Il fronça les sourcils à la vue d’un couple unissant un négociant en tissus et la fille d’un vicomte, symbole de la déchéance dont avaient commencé à souffrir les castes dominantes, il y avait quelques décennies déjà. Bientôt, un simple tanneur pourrait prétendre à la tête d’un duché, un vulgaire boulanger entrer dans la lignée d’une illustre famille! Pire qu’un massacre, on pouvait comparer ce phénomène à un mal qui gangrénait lentement la noblesse et, si on n’arrivait à y mettre fin, menaçait de la faire disparaître.

La perte d’une certaine pureté de sang était certes terrible, mais plus horrifiantes encore étaient ces théories obscurantistes dont l’aristocrate avait eu vent récemment. Des déments, qu’on appelait trompeusement penseurs, avaient élaboré d’absurdes élucubrations comme quoi la royaut devrait être éliminée au profit de dirigeants choisis par la populace! Ils s’enfonçaient dans la bêtise en alléguant que les usurpateurs placés sur le trône gouverneraient selon un « contrat social » et qu’à l’instant même, princes, empereurs et monarques guidaient leur peuple anticonstitutionnellement. Il était parfaitement clair qu’en plus de brandir des doctrines insensées, ces semeurs de troubles employaient un vocabulaire biscornu afin d’étourdie la plèbe ignare et la pousser à suivre ce dangereux mouvement. Il allait sans dire que ces agitateurs devaient être châtiés pour avoir proféré de telles insanités, visant à établir le chaos et renverser les pouvoirs établis.

Fort heureusement, un peu de raison, de bon goût et de valeurs éclairées subsistaient en ce bas monde. Le Caffe Florian en était l’exemple même, puisqu’à peine entré dans l’établissement on le saluait avec courtoisie et on se chargeait de son manteau. Ses yeux gris balayèrent la salle à la recherche d’une place de choix ou d’une table au convive méritant sa présence. Une silhouette écarlate attira son regard, un sourire amusé retroussant ses lèvres tandis qu’il s’étonnait presque que la Providence fasse si bien les choses. Assurément souriait-elle encore à ceux à qui cela revenait de droit.

Luciano s’avança jusqu’à la table du jeune inconnu, exécutant une légère inclinaison du buste avant de se redresser avec lenteur, caressant du regard les traits fins de son cadet.

« À vous revoir, Monsieur. »

Indiquant le siège vide d'un geste de la main, il s'enquit avec une amabilité qui lui était inhabituelle:


« Voyez-vous un inconvénient à ce que nous reprenions notre discussion? Il me faut vous démontrer mon intérêt, si je désire découvrir votre nom, et je suis tout à fait prêt à fournir les efforts nécessaires pour y parvenir. Me permettrez-vous seulement de tenter de vous prouver ma valeur? »
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleVen 5 Jan - 23:43

La jolie gourmande se souciant de Raffaele comme d'une guigne et lui ne se sentant pas d'humeur à quémander un regard, il porta son attention sur la salle.

De nombreux promeneurs fuyant le froid poussaient les portes du caffé et se joignaient aux petits groupes attablés pour le déjeuner.
Les femmes vétues de couleurs vives riaient haut et les hommes parlaient fort en accompagnant leurs mots d'une gestuelle destinée à impressionner l'entourage. Le jeune prince, amusé par l'ambiance et la diversité des convives termina son verre de vin et se laissa aller contre le dossier de velours de la banquette. Il croisa les jambes et accueillit avec un sourire le second verre qu'on vint lui porter. Le service était rapide, ce qui, pour Raffaele qui détestait attendre, était une chose fort appréciable.

Il remarqua soudain avec étonnement que toutes les classes sociales étaient représentées parmi les dineurs sans que personne ne s'en formalise. Voilà qui était unique. A Naples, d'où il venait, comme dans les autres villes qu'il avait pu voir, une telle chose était impensable. Bien sûr il arrivait fréquement que les gens de la bonne société aillent s'encanailler dans les bas quartiers, mais jamais ils n'auraient accepté la présence d'un homme du peuple dans leurs salons. Lui-même trouvait cette promiscuité étrange, voire dérangeante. Comment se sentir à l'aise quand votre valet de pied se trouvait à la table voisine, comptant fleurette à l'une de vos filles de cuisine ?
Son regard amusé s'assombrit un instant mais cela ne dura pas. Le vin était parfait et il sentait la chaleur de l'alcool couler dans ses veines. Il savait que bientôt, peut-être un verre de plus ou deux, il commencerait à se sentir bulle légère évoluant dans un monde de coton. Encore un verre oui, et il se foutrait bien de savoir le rang de celui ou celle qui lui sourirait alors pourvu que sa mine soit engageante.
Une silhouette s'interposa entre lui et la lumière des lustres. Raffaele renversa la tête pour dévisager celui qui le dominait de toute sa hauteur. Les paroles le firent sourire et il montra du geste le siège libre
.

"Je ne pensais pas avoir le plaisir de vous revoir si vite, Monsieur di Lorio. Etes-vous familier du lieu ? Je ne crois pas aux coïncidences."

Un serviteur se pressait déjà et le verre de Brunello était vide et attendait. Le jeune prince perdit un très court instant son regard bleu dans les yeux de son interlocuteur, son regard erra lentement sur le visage dur de l'homme, s'attardant sur les lèvres avant de descendre sur les mains gantées. Sa posture un peu alanguie laissait croire à un abandon mais les yeux rendus étincelants par l'alcool n'avaient rien perdu de leur acuité.

"J'ai suivi à pied ce que vous appelez Grand Canal. C'est une expérience que je ne renouvellerai pas. Comment vous déplacez-vous dans cette ville où je n'ai encore vu aucun cheval, aucune voiture ? Est-on obligé d'emprunter ces embarcations pour le moins fragiles que l'on voit partout ?"

Il reporta son attention sur ses propres mains et entreprit d'oter ses gants. Il avait conscience de trop parler, le vin déliait sa langue et son caractère prompt aux criquites n'était pas ce qu'il voulait montrer au gentilhomme. Il se mordit violement la langue pour reprendre ses esprits et le goût du sang lui emplit la bouche. Il sourit à nouveau et murmura, comme pour lui même.

"Il faudra que je trouve un guide qui me fasse découvrir au mieux cette étrange cité."
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleSam 6 Jan - 10:17

Prenant place face à son jeune interlocuteur, Luciano put constater que celui-ci s’était déjà initié à quelque plaisir dionysiaque et non des moindres, à en juger par la robe de son vin. Ce détail apparemment sans importance attesta ses conjectures à propos des ascendances du garçon. Non pas qu’il eût dédaigné aussi charmant minois s’il eût appartenu au premier nécessiteux venu, mais se savoir en bonne compagnie ne lui était jamais incommodant. Il avait goûté à des fruits interdits provenant d’arbres de moindre qualité. Leur saveur lui avait cependant toujours paru moins délicate que celle des gens de sa condition. Et, à cet instant, rien ne lui semblait plus tentant que de cueillir cette bouche ou ravir cette forme indolente.

« Plaisir bien entendu partagé, Monsieur, et puisque je n’ajoute pas non plus foi aux coïncidences, je me contenterai d’apprécier votre présence à sa juste valeur. »

Une fois de plus, le service impeccable du Florian – l’un des seuls sur lesquels il n’ait eu à redire – lui fut démontré dans toute son ampleur lorsqu’on se présenta à leur table pour verser une nouvelle coupe à l’inconnu et prendre sa commande. Après un instant de réflexion, il demanda un verre de Carmignano, avec une pensée pour le Grand Duc de Toscane, un homme qu’il avait toujours tenu en grande estime.

La conversation avec della Lonza ayant déjà permis à son hôte de connaître son nom, l’aristocrate choisit de ne pas dissimuler son lignage. La précaution aurait sans doute été inutile, puisque muni de son nom, quiconque aurait été facilement apte à en apprendre sur son compte.


« J’ai été élevé à Venise bien que ma famille soit originaire de Milan. Une branche des di Lorio est venue s’y établir en raison du joug espagnol, expliqua-t-il, une pointe de dédain se glissant dans sa voix. On dit que mes parents ont agi en tant que conseillers auprès des Visconti, puis des Sforza, tout comme j’ai à présent l’honneur de le faire auprès du Prince Elio Adorasti. »

Il prit une pause, attendant que le serveur ait déposé sa commande en face de lui, avant de s’enquérir avec une curiosité non-feinte :

« Mais, comme vous semblez fraîchement arrivé en ces lieux, peut-être n’êtes-vous pas encore au fait de la lutte opposant Adorasti et Grazziano? »

Il observa son interlocuteur par-dessus son verre, son regard à la recherche de quelque indice sur l’identité de son interlocuteur. L’interrogation n’avait pas été lancée à tout hasard et, au-delà de ses abords anodins, visait à déterminer si le jeune noble appartenait à la Maison adverse. À sa souvenance, il ne l’avait pas aperçu lors de la soirée tenue au palais, mais peut-être la Ca’Grazziano entière ne s’était-elle point déplacée pour l’occasion?

« Ou bien ces questions d’ordre politique si ennuyeuses, plus encore que l’histoire de mes quartiers de noblesse, vous sont-elles indifférentes? »

Amusé par les semonces du blond éphèbe, Luciano répondit à ses questions d’une délicieuse ingénuité, le sourire aux lèvres. Il était parfois bon qu’on lui rappelle que l’art de la conversation ne servait pas qu’à attaquer et qu’on pouvait également prendre plaisir à discussion sans préparer de nouvelles piques à décocher. Bien sûr, cet échange n’était pas sans enjeux, mais si la chasse s’apparentait parfois au duel, son vainqueur remportait un fort beau trophée à sa toute fin.


« Allons, Monsieur, Venise ne serait rien sans ses périls. Si vous n’avez point le pied marin, il vous est toujours possible de demeurer sagement sur les ponts et les canaux, mais ne comptez trouver ni cheval, ni voiture pour accélérer votre course. Ceux-ci seraient encore moins en mesure de survivre à une éventuelle baignade dans la lagune. »

Il poursuivit par une proposition, non sans avoir marqué une pause afin de suivre des yeux ces doigts fins qui se découvraient à lui, un par un.

« Mais puisque mon âme est charitable, ajouta-t-il avec une pointe d’ironie, je pourrai vous indiquer les chemins les plus courts, les raccourcis les plus sûrs et les meilleures enseignes de la Cité, si vous tenez absolument à ne monter dans aucune gondole. »

Dévisageant l’intriguant inconnu, il se risqua à formuler une demande qui l’éclairerait sans doute plus, si elle était retenue.


« À défaut de votre nom, puis-je au moins connaître la ville de votre provenance, où les hommes infortunés foulent le sol de leurs pieds? »
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleDim 7 Jan - 0:30

Raffaele buvait du petit lait. Les yeux mi-clos, il se pourléchait intérieurement des graçieusetés que lui servait le gentilhomme. Il sourit, d'un sourire tendrement embrumé d'alcool quand l'homme le mit au fait de ses origines. Il avait trouvé son guide. Et quel guide, un homme introduit partout dont le nom ouvrait toutes les portes et dont la langue sûrement était appréciée dans les salons. Le jeune prince n'aurait pas besoin de caresser son frère dans le sens du poil pour être présenté à ceux qu'il fallait connaître.
Et puis la conversation tomba sur les deux Maisons. Il n'eut pas beaucoup besoin de réfléchir à une réponse, elle tomba de ses lèvres, légère d'un ton sans malice apparente
.

"Deux familles antagonistes dans une si petite cité. Ce doit être fort amusant, même s'il est vrai que je n'entends rien à la politique. Bien évidemment par votre naissance votre camp me parait tout choisi. Devrais-je prendre part au jeu ? Quelles seraient mes cartes ? Pensez-vous que ma donne serait généreuse ?"

Son regard bleu se masqua un instant de l'ombre de ses cils avant qu'il ne relève la tête, lentement.

"Me préféreriez-vous votre allié à courtiser ou votre adversaire à dompter ?"

Le valet revint et déposa devant di Lorio le vin qu'il avait demandé. Raffaele trempa les lèvres dans son verre, boire moins vite, ne pas s'enivrer totalement pour garder ce qui lui restait de contrôle et ne pas offrir l'image d'un ivrogne. Que pouvait bien penser l'homme du garçon attablé face à lui ? Le voyait-il comme un jeune noble aimant à jouer avec le feu sans être tout à fait prêt à s'y brûler ? Comme un naïf jouvenceau aux grands yeux purs ? Avait-il conscience de ce qu'il y avait de poison, de crocs et de griffes dissimulé sous la dentelle et les manières policées ? Il sourit en l'entendant mentionner les périls de Venise. Le danger ne venait jamais des villes ni de leur géographie. Le danger ne venait que des hommes.

"Je n'ai pas le pied marin en effet, ou plutôt pour être tout à fait honnête, je suis tout à fait révulsé à l'idée de tomber dans ces marécag... canaux où pullule très certainement une faune fort sympathique."

Il sourit en reposant son verre que pour une fois il n'avait pas encore vidé.

"J'apprécierais beaucoup de profiter de vos lumières charitables, je me faisais justement la réflexion un peu plus tôt qu'un guide averti me serait des plus utiles. Comme vous l'avez justement remarqué je ne suis pas vénitien. Ma famille est établie plus au sud, je ne suis arrivé dans votre cité qu'hier soir. Et il y avait un tel brouillard que je n'ai rien vu de la ville, c'est ce qui m'a donné le goût d'en voir plus ce matin et qui a conduit à notre rencontre."
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleDim 7 Jan - 8:57

Insaisissable, son convive demeurait délicieusement insaisissable. Aurait-il appartenu à la Ca’Grazziano qu’il aurait été impossible de le déterminer, son visage et sa voix n’exprimant qu’une bienheureuse ivresse. Une expérience certaine à déjouer les pièges rhétoriques se masquait derrière ces airs de chérubin et ce sourire enjôleur. L’âge avait enseigné à Luciano que la patience était l’arme la plus précieuse dans le jeu du chat et de la souris. Et si le garçon persistait à boire avec un si grand enthousiasme, il serait certainement plus aisé de l’amener à révéler son identité. Le vin avait été la perte de bien des hommes, mais aussi l’occasion pour d’autres de soutirer des aveux ou d’arracher des promesses que seule la griserie de l’alcool aurait permise.

« Venise n’est petite qu’en apparence, Monsieur. Elle est semblable à ses eaux : d’une profondeur qu’elle garde secrète. Ce n’est toutefois qu’en y plongeant qu’il vous sera possible de le découvrir. À moins que vous ne vous satisfassiez d’observer l’onde de sa surface, sans oser vous y mouiller? demanda-t-il, comme on lancerait un défi. Mais alors, qui sait, les trésors qui vous échapperaient? »

L’orgueil était également un moyen efficace pour pousser son interlocuteu à se trahir. En dépit de son habileté à le blesser, l’aristocrate savait tout autant le flatter, tant et si bien que, par pure bravade, on étalait devant lui fortune et titre de noblesse, crimes et liaisons. Tout jouvenceau, cherchant désespérément à briller face à ses aînés, était sensible aux attentions qu’on pourrait accorder à son amour-propre.

« Je trouverais fort dommage qu’un jeune homme de votre qualité s’abstienne de se mêler à un jeu aussi passionnant, d’autant plus que votre esprit vous dispenserait des petites cartes et vous octroierait tous les honneurs qui vous sont dus. Ce serait priver cette partie d’un joueur au talent inespéré que de vous refuser à participer, que ce soit en tant qu’ennemi ou allié. »

Sa voix grave revêtit des inflexions suaves tandis qu’il répliquait à l’épineuse question du jeune inconnu :

« Bien sûr, il me serait fort agréable de concourir à vos côtés, mais je confesse que vous conquérir me paraît un divertissement plus invitant. Tout dépend cependant des difficultés que vous m’opposerez ainsi que de la nature de ma récompense, si la victoire me revient. »

Négligemment, ses yeux se posèrent sur le col d’une chemise, décrivirent la douce courbe d’une joue, suivirent une mèche pâle pour finalement s’ancrer dans ces orbes aux reflets bleutés.

« Les loyautés sont souvent bien précaires et l’ami d’hier peut facilement devenir le rival de demain. C’est pourquoi je vous conseille de n’abattre votre main qu’au dernier moment et de prêter attention lorsque vos opposants font preuve d’inattention. Dans cette ville, plus que partout ailleurs, la forfanterie est monnaie courante. Prenez donc garde à ne jamais vous présenter seul et désarmé, car même votre gracieuse figure ne saura vous sauver. »

Il ponctua ce compliment d’un léger sourire avant de balayer ses conseils avec désinvolture :

« Mout cela, sans doute, le savez-vous déjà, Monsieur. Vous paraissez déjà rompu à l’art capricieux de la conversation… et celui de la discrétion. Vous voici déjà doté du nécessaire pour vous faire un nom dans les salons de la Sérénissime. Nul doute qu’une fois que je vous aurai présenté à certains gentilshommes de ma connaissance, vous bénéficierez d’assez d’invitations pour combattre l’ennui lors de votre séjour. »

Des médisants auraient fait valoir que la protection de Luciano di Lorio était un cadeau empoisonné, mais à en juger par son expression presque avenante, il aurait été inconvenant de douter de ses bonnes intentions.

D’un geste de la main, il fit signe à un serveur de remplir la coupe presque vide de son hôte, une courtoisie qui, il l’espérait, rendrait ce dernier plus volubile.


« Qu’est-ce qui vous a donc mené en dehors des murs de votre cité, loin de votre famille, dans une ville où vous risquez incessamment la noyade? Le désir de vous affranchir de devoirs trop lourds à porter? La quête d’aventures, si commune à la jeunesse? »
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 5 PerleDim 7 Jan - 23:34

Raffaele inclina la tête avec un sourire amusé quand l'aristocrate le fit resservir. Flatter son goût pour le vin en espérant amoindrir ses défenses. Le jeu était clair. De même que la conversation n'avait qu'un seul but. L'homme voulait savoir à qui il avait affaire. Et le jeune prince n'était pas prêt à délivrer l'information.
Il ne se laisserait pas prendre au piège d'orgueil qu'on lui tendait. Pas avant d'en avoir lui-même décidé
.

"La partie est tentante, mais je ne joue à aucun jeu à moins d'en connaître les détails et la mise. Il vous faudra m'initier à l'envers des cartes afin qu'ayant acquis quelque habileté je puisse retourner mon jeu en toute confiance. Mais je ne doute pas qu'avec un tel Pygmalion, je puisse me montrer une digne Galathée et vous rendre les honneurs de mon apprentissage."

La phrase s'acheva dans un rire doux quand il prit conscience du regard caressant sa joue.

"Je vous remercie de cette généreuse proposition de m'introduire dans les salons vénitiens ; y étant présenté sous la protection de votre nom, je tenterai de ne pas vous porter tort, cependant je dois vous avouer..." Il baissa les yeux comme gêné sous le regard insistant de l'homme "que mon caractère n'est pas toujours des plus faciles et que j'aurais grand peur de vous embarrasser par quelque inconvenance".

Mais le sourire qui lui monta aux lèvres pour devenir éclatant démentait ses paroles. Il termina son verre de vin lentement avant de répondre aux dernières questions, l'oeil brillant.

"Les familles pour être nécessaires n'en sont pas moins accablantes. Et le poids de leurs désirs est quelques fois tout à fait désagréable à supporter. Mon jeune âge très certainement et la soif de connaître autre chose que la maison de mon père, conjugués au fait que je sois pour le moment tout à fait indésirable dans la-dite maison pour quelque amusement qui ne fut pas apprécié, m'ont conduit à voyager jusqu'ici. Il me semblait qu'un séjour à Venise me serait d'un grand enseignement."

Son regard bleu se mit à luire d'une flamme intérieure, comme celui d'un animal soudain affamé tandis que paradoxalement sa voix s'adoucissait.

"Pensez-vous que je fasse fausse route ?"
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