Place Saint Marc - Sud

[Calle Bardini]

En quelques pas seulement, et une traversée rapidissime en gondole, Muzio se retrouvait de chez lui à la plus vaste place de Venise. Le médecin grimaça devant le nombre incroyable de promeneurs, mais il avait pris la ferme résolution de partir de lui-même à la rencontre des habitants. Une fois de plus, un soupir s'échappa des lèvres de Muzio, qui se redressa toutefois. Il devait faire bonne impression.

Devoir... C'était un verbe qu'il utilisait beaucoup à sa propre adresse ces derniers jours. Un peu trop à son goût. Une petite maison entourée de champs s'imposa à son esprit, mais Muzio la chassa violemment. Il était Vénitien maintenant, il ne devait pas l'oublier.

Le médecin s'appuya contre l'une des colonnes qui lui faisaient face et fixa d'un oeil observateur les personnes qui passaient, voyant en chacune d'elles les faiblesses physiques qu'elle présentait. Boiteux, fatiguée, exténuée, malmené... Vieillesse, plus simplement...

[Caffé Florian]

Le visage baissé et une main maintenant son tricorne en place, Elio gagna la place Saint Marc.
Il avait longé la colonnade et marché sous les arcades.
Le froid mordant lui faisait presque regretter la chaleur du Caffé Florian qu'il avait quitté quelques minutes auparavant.

Le visage du jeune inconnu passa devant ses yeux, mélange de naiveté feinte et de malice dissimulée.
Il ferait une agréable distraction ce soir, au milieu de tous les vieux barbons et autres notables assomants qu'il se devait d'inviter.
Un demi-sourire lui vint aux lèvres, il semblait que Venise recéla plus d'une surprise agréable.

Il avançait de son long pas élastique, assuré malgré la neige fondue qui trempait la paille jetée sur les pavés.
Il leva un instant les yeux vers le ciel limpide.
Si le temps restait au beau, sa promenade nocturne espérée n'en serait que plus agréable.

Alors qu'il laissait son esprit s'envoler vers le moment attendu, il fut percuté de plein fouet par une petite bonne qui traversait la place en courant presque, pressée qu'elle était par quelque course.
Le Prince voulut la rattrapper avant qu'elle ne tombe mais avec un grand cri, emportée par son élan elle s'abattit à ses pieds.
Elio se pencha vers la petite pour l'aider à se relever mais elle s'accrocha à son manteau en geignant, se plaignant de sa cheville.

Muzio suivait toujours du regard les passants, dissimulant mal parfois l'irritation que provoquaient chez lui les discussions frivoles menées par garçons et filles. Ses yeux se fixèrent un instant sur une petite bonne qui semblait pressée mais en bonne santé, quoiqu'un peu pâle, puis errèrent de nouveau.

Le bruit résultant du choc et de l'après-choc d'Elio et de la jeune fille attirèrent son attention. Il haussa un sourcil en reconnaissant la petite qui l'avait intriguée, mais se prépara à passer rapidement sur l'évènement... lorsqu'il l'entendit se plaindre d'une douleur à la cheville.

Sans une once d'hésitation, le médecin raffermit la prise de sa main gantée sur sa trousse et s'avança d'un pas rapide. Il salua extrêmement vaguement le jeune homme et porta toute son attention sur la fillette. Tout d'abord, il la fit doucement s'asseoir, prenant soin de glisser son manteau sur le sol afin de la préserver du froid. La bonne se tut subitement, sans doute impressionnée par l'apparition de Muzio. Celui-ci ôta ses gants et, avec douceur, commença à faire lentement tourner l'articulation, opération qui arracha quelques cris à la fillette.

"Cheville foulée." diagnostiqua-t-il entre ses dents.

Sans se préoccuper nullement du regard du jeune homme resté debout au-dessus de lui, le médecin ouvrit d'une main experte sa trousse, l'autre maintenant la cheville bien en place. De la précieuse mallette, il sortit une fiole de taille moyenne, qu'il déboucha avec ses dents, conservant le bouchon coincé dans sa bouche. Délicatement, il enduisit d'huile l'articulation blessée en la massant lentement. Suite à quoi il banda soigneusement la cheville, appliqua une atelle de fortune, puis se releva lestement.

Son petit matériel rangé aussi vite, le médecin souleva la petite servante et la remit doucement sur ses pieds. Satisfait du résultat, il réenfila ses gants et esquissa un infime sourire à la fillette.

"Voilà, tu devrais avoir moins mal comme ça. Mais surtout évite de trop marcher, et reviens me voir dans quelques jours, Calle Bardini." conseilla-t-il.

Nullement gêné de cette intervention dans la rue, Muzio accorda enfin un regard au jeune homme élégant qui lui faisait face.

Elio s'écarta quand l'inconnu se pencha sur la petite bonne.
Il semblait savoir ce qu'il faisait et avoir dans sa sacoche le matériel approprié.
Ses gestes étaient précis et assurés, un médecin sans nul doute.
Cétait une chance pour l'enfant qu'il ait été dans les parages et soit intervenu aussi promptement.
Le Prince détailla la physionomie de l'homme tandis qu'il s'affairait à soulager la blessée.
Il s'agissait d'un citoyen à la mise simple sans rien qui ne le fasse remarquer hormis ses mains longues et habiles, chacun de leurs gestes paraissant longuement répété.

La petite remise sur pieds, l'homme mentionna la Calle Bardini.
Elio inclina légérement la tête, cherchant en quoi ce nom lui était familier.
Giuseppe Verrazano, le Conseiller Astrologue demeurait dans cette rue, voilà en quoi ce lieu lui était connu.
Un médecin également, récemment décédé et ayant une fort bonne pratique était installé là.
Cet inconnu devait étre son remplaçant, à n'en pas douter.

"Je vous remercie de la rapidité de votre intervention, Monsieur. Pensez-vous que l'enfant puisse marcher ou est-il plus prudent de la porter jusque chez elle ?"

Elio baissa le regard sur la petite qui boitillait sur un pied en grimaçant de douleur.

"Je ne me suis pas présenté, veuillez pardonner ma grossiereté, Elio Lacryma Adorasti. Je prendrai bien entendu à ma charge les soins que vous avez donnés et que vous apporterez encore à cette petite."

A la question du jeune homme, Muzio détacha son regard des yeux ambrés pour le reporter sur l'enfant. Celle-ci paraissait encore très jeune et, si quelqu'un de plus âgé aurait pu supporter la douleur atténuée par ses soins, la fillette n'arriverait pas de toute évidence à regagner sans peine la maison de ses maîtres.

La décision du médecin fut vite prise. Hélant un porteur ambulant qui lui paraissait honnête, il lui glissa quelques pièces dans le creux de la main et lui désigna la petite servante.

"Tu la ramènes là où elle te l'indique." dit-il simplement, de sa voix douce qui atténuait le caractère impératif de la course.

Ainsi, l'homme s'éloigna en hochant la tête, portant avec précaution l'enfant blessée. Muzio put ramener son attention sur le jeune homme... Elio Lacryma Adorasti. Le nom n'évoquait que vaguement quelque chose dans la mémoire du médecin. Bien entendu il avait entendu parler de la maison Adorasti, mais ne montra pas l'admiration et le respect coutumier aux habitants reconnaissant leur Prince.

La dernière phrase de celui-ci revenant à l'esprit de Muzio, il balaya la question d'un geste de son bras libre, et répliqua simplement:

"Ce ne sera pas nécessaire, je vous remercie. Je suis le docteur Barrozi, Muzio."

Ses yeux intelligents scrutèrent avec attention ceux du Prince. L'arrogance qui s'y lisait faillit le laisser pensif, mais il se rappela lui-même à l'ordre et redressa la taille.

"Votre rencontre est providentielle, monsieur, puisqu'il me tardait de rencontrer les habitants de ma nouvelle ville..."

Ainsi il avait vu juste, il s'agissait bien du nouveau médecin.
Il le regarda héler un porteur avec ce mélange d'autorité et de douceur qui semblait le caractériser.
Elio avait pensé à quelque chose de plus rapide et il avait envisagé de prendre lui-même l'enfant dans ses bras pour la ramener chez ses maîtres.

Il n'était pas d'un naturel facilement porté à la pitié, mais bien qu'elle se soit jetée d'elle-même dans ses jambes, il se sentait confusément responsable de sa chute.
Avant que le porteur ne s'éloigne, il glissa une pièce d'argent dans la main de l'enfant, compensant ainsi par ce geste les jours sans salaire que la blessure allait occasionner.

"Ainsi vous arrivez à Venise. Nous avons été fort peinés de la disparition de votre prédécesseur. Le docteur Tréviano était un excellent médecin que tous semblaient apprécier, peut-être sa discrétion n'était-elle pas ce que l'on aurait espéré, mais la perfection n'est pas de ce monde. Quelle fin étrange, n'est-il pas.. glisser ainsi de la berge du canal en pleine nuit. Revenait-il d'une visite chez l'un de ses patients ? Personne ne semble connaître les circonstances exactes de son décès. Si ce n'est.. Ma foi, les rumeurs vont toujours bon train quand il s'agit d'une personne en vue."

Le Prince fit quelques pas, il détestait rester ainsi statique en plein passage.
De plus la bise glaciale n'invitait pas à l'immobilité.

"Faisons quelques pas, voulez vous, cela nous réchauffera."

Tandis qu'il parlait d'un ton égal, le visage bouffi du Sieur Tréviano lui revint à l'esprit, accompagné du relent d'ail et d'alcool qui le caractérisait.
Que tous l'appréciait était un mensonge éhonté.
Les femmes surtout préféraient traverser la ville que de laisser les mains rouges du médecin se poser sur elles.
Elio lui-même, pris d'une fièvre à la suite d'un refroidissement, s'était senti fort mal à l'aise en sa présence.
Et il posait beaucoup de questions aussi.
Beaucoup trop.

Muzio acquiesça à la proposition du Prince et les deux hommes marchèrent côte à côte. L'évocation de la disparition de son prédécesseur avait laissé le médecin silencieux. Il avait en effet entendu nombre d'hypothèses farfelues sur le pourquoi de cette fin, mais aucune ne l'avait convaincu... Toutefois, un peu plus tard, on lui avait fait part d'indices pour le moins... intéressants.

"Les rumeurs de la ville ne sont pas toujours à écouter... La mort survient parfois d'une manière curieusement accidentelle." dit-il d'un ton neutre. "Et le travail d'un médecin implique souvent de se déplacer la nuit." conclut-il afin de clore ce sujet à propos duquel il désirait rester prudent.

Muzio se souvint soudain de l'inscription qu'il avait parcourue distraitement en quittant son domicile. Il avait tout lieu de supposer que le Prince pourrait l'éclairer...

"J'ai cru comprendre que la Calle Bardini abrite un... comment est-ce déjà ?, un conseiller en astrologie ? Les astres nous prédiraient-ils le futur, à Venise ?"

Le ton était légèrement ironique; pas assez néanmoins pour vexer un éventuel adepte...

La bise avait forci, et Elio préféra regagner l'abri des arcades.
Le froid y était toujours mordant mais au moins les tourbillons glacés qui s'engouffraient sous les manteaux leur étaient épargnés.
La question du médecin lui arracha un sourire.

"Oui en effet, Giuseppe Verrazano, un astrologue. Je l'ai rencontré lors d'un diner où nous étions tous deux invités. J'ai, ma foi, été fort agréablement surpris de sa conversation. Etant assez pragmatique, je ne crois guère en son art, mais il est d'une nature fort divertissante et sa compagnie est tout à fait plaisante. C'est un homme qui connait nombre d'annecdotes que ses expériences au service des plus grands de ce monde lui ont, dit-il, permis de vivre et il les conte avec grand talent."

Il s'arrêta après quelques pas, faisant mine de se souvenir de quelque chose et l'expression de son visage se fit plus douce.

"Mais j'y pense. Je donne ce soir un petit divertissement musical. Accepteriez-vous d'être des nôtres ? Cela vous permettra de rencontrer plusieurs personnes que votre prédécesseur comptait parmi sa pratique. Monsieur Verrazano sera des nôtres également, si cela vous amuse de l'entendre.."

La réaction du Prince avait rassuré Muzio: Elio Lacryma Adorasti ne vivait pas de croyances plus ou moins imaginaires.

Le terme de 'divertissement' alerta le médecin: une de ses soirées frivolement mondaines rassemblant une multitude de petits pédants ? Très peu pour lui. Toutefois l'idée de musique conjuguée à celle de lier connaissance avec ses futurs patients le fit hésiter. Un coup d'oeil au Prince le décida définitivement. Muzio inclina légèrement la tête.

"Je serai honoré de compter parmi vos invités. Quant à monsieur Verrazano, il est inutile de préciser que je me ferai une joie d'écouter ses récits."

Le médecin resserra les pans de son manteau, et il se demanda furtivement si Lacryma Adorasti était marié. Il aurait sans doute dû le savoir, et ne risqua aucune question sous-jacente. En revanche, il estima naturel de s'enquérir de la santé de sa maisonnée.

"J'espère que nul n'a besoin de mes services chez vous... ?"

Elio inspirait un air si coupant qu'il avait l'impression que de petites aiguilles pénétraient ses voies respiratoires.
Son souffle s'échappait en volutes blanches à chacun de ses mots.
Le froid lui agaça les dents quand il reprit la parole.

"Non, nous n'avons aucun malade à déplorer. Mais je crains qu'avec ce froid ce ne soit une affirmation provisoire."

Le Prince ne doutait pas que bien vite le médecin doive prendre soin d'une clientèle de fluxions de poitrine et autres rhumatismes, plus certaines autres affections plus imaginaires.
Il glissa une main à l'intérieur de son manteau et attrappa une petite carte de la poche de son justaucorps.
Il tendit du bout de ses doigts gantés le petit bristol au médecin.

"Je pense que nous ne devrions pas nous exposer plus longtemps à cette température. Je vais devoir prendre congé si vous le permettez, en attendant d'avoir le plaisir de vous recevoir ce soir vers neuf heures trente."

Elio s'inclina légèrement pour prendre congé, un sourire poli sur ses lèvres pales.

Muzio tendit sa main gauche pour saisir la carte et, comme il se devait, il n'y jeta pas un coup d'oeil mais se contenta de la glisser dans son manteau.

"Je reste à votre entière disposition, monsieur. A ce soir donc..."

S'inclinant à son tour, le médecin esquissa un sourire, puis, après un dernier regard porté sur le visage intéressant du Prince, il tourna les talons. La neige, à moitié fondue seulement, crissait sous ses pas qui se dirigeaient vers le bras le plus proche du Canal Grande.

'Nous ne devrions pas nous exposer plus longtemps à cette température'... Le jeune Prince ne devait pas y être habitué, mais Muzio en revanche ne la craignait pas, et n'hésita pas une seconde à prolonger sa sortie.

D'ailleurs, le froid n'était pas l'ennemi de la santé. Certes il provoquerait nombre de toux, mais il tuait les microbes, qui étaient bien plus à redouter.

Emergeant soudain de ses pensées, le médecin leva les yeux et aperçut le Rialto. Fasciné, il s'approcha d'une gondole avec une assurance tranquille.

[Le Rialto]

Elio regarda le médecin s'éloigner.
A quoi devait-on s'attendre de sa part ?
Il avait l'air plus sain que son prédécesseur, ce qui n'était pas un exploit en soi.
Son geste envers la petite bonne montrait un esprit généreux constrastant avec le Sieur Tréviano, qui affichait son mépris à l'encontre des petites gens comme la plus louable des qualités.
Le Prince se félicita de l'avoir convié à la réception du soir.
Il aimait à observer la façon dont chacun évoluait en société, trouvant souvent cela révélateur des esprits hypocrites ou beaux parleurs.

Un pli soucieux barra son front pale l'espace d'un instant quand l'image de sa jeune épouse passa devant ses yeux.
Que lui était-il donc passé par la tête pour qu'elle coure ainsi chez son frère et l'invite Ca'Adorasti, en connaissant le froid que leur animosité respective risquait de jeter sur l'assistance.
Et Lazarro qui n'avait rien trouvé de mieux que de l'accompagner.
Elio soupira, voyant le divertissement tourner à la corvée.


D'un pas rapide, une légère moue d'ennui sur les lèvres, il longea les arcades et quitta la Place Saint-Marc.

[Ca'Adorasti]

La main gantée de cuir noir s’abattit sur l’épaule d’un passant à la vêture luxueuse. Ce dernier sursauta, se retourna vers son agresseur et allait se mettre à protester quand il remarqua qui il avait en face de lui et surtout le dangereux accessoire à sa taille. Le prince Arnoldi ferma la bouche, l’ouvrit puis la ferma à nouveau. L’homme qui avait toujours sa main sur son épaule arborait plusieurs cicatrices sur le visage mais la lueur qui éclairait ses yeux était plus amusée que tout autre chose.

« Dites-moi seigneur, je suis nouveau venu dans cette ville et je cherche à offrir mes services de maître d’armes. Pourriez-vous me venir en aide dans cette quête ? »

Loris di Bordighera ôta alors sa main du corps du bonhomme. Les pupilles agrandies par le choc du prince Arnoldi virevoltèrent de la main que le maître d’armes, maintenant accrochée à sa ceinture, et son visage souriant.

« Ah… Maître d’armes… Heu… Non… Je veux dire… »

Le prince Arnoldi n’avait certes pas envie de se faire embrocher par la lame du nouveau venu mais il n’en voulait pas non plus à son propre service. Il s’était laissé démonter comme un lâche devant une simple épée qui n’était même pas au clair. Il n’avait aucune envie de voir le responsable de cette déchéance lui apprendre à manier une épée. Non. Ce ne serait pas lui. Il dit alors le premier nom qui lui vint à l’esprit.

« Grazziano. Demandez aux Grazziano. »

Et il s’éloigna de deux pas en arrière. Voyant que le maître d’armes ne l’en empêchait pas, il se retourna et accéléra son allure. Il éviterait à l’avenir de sortir sans serviteurs. Peut-être même ferait-il en sorte de ne plus circuler à pied.

Loris di Bordighera, quant à lui, n’était pas mécontent. Bien que le nom des Grazziano lui soit inconnu, il lui suffirait de demander à un gondolier de le conduire à leur palais et il saurait si le bonhomme lui avait fourni une piste convenable. Et comme di Bordighera n’était pas homme à tergiverser indéfiniment quand sa décision était prise, il s’en alla chercher la gondole qui l’amènerait au bon palais.

[La Boutique du Négociant en Epices]

Après avoir quitté la boutique d’épices, Mila erra un moment sans se soucier de la direction empruntée.

Son pas caressait la pierre avec légèreté et insouciance, jusqu’à ce que son talon se fige entre deux pavés. Elle leva les yeux au ciel, un sourire espiègle s’esquissant sur ses lèvres. Quelle drôle de situation…prisonnière de deux gros cailloux qui semblaient mordre son talon de toutes leurs forces afin de la retenir.

Mila tenta de s’extirper de ce bourbier, malmenant sa cheville qu’elle tordit dans tous les sens, mais rien n’y fit. Elle hésita le temps d’un soupir, puis libéra son pied de ce carcan, abandonnant son soulier coincé entre les pavés.
Sa jupe était assez longue pour dissimuler son pied nu, et sa souplesse assez exercée pour éviter d’avancer clopin-clopant.

Quelques pas et déjà Mila entendit derrière elle les rires étouffés de quelques nobles gorges. Voilà de quoi occuper de longues heures durant cette jeunesse oisive et assoiffée de turbulences.

Mila tint sa tête absolument droite et avança avec une assurance volontairement exagérée afin d’écarter d’elle toute suspicion quant au soulier solitaire. Seul son sourire amusé aurait pu la trahir, mais elle tournait le dos à la petite foule d’intrigués.

Tant de chahut pour un simple soulier amusa beaucoup Mila, cependant son sourire quitta lentement ses lèvres, et la légèreté son regard. Depuis un moment, elle avait cette impression étrange et dérangeante qu’un regard pesait sur elle. On l’observait. Elle se sentait captive de ce regard qui étreignait sa silhouette.

Les mâchoires de Mila se crispèrent furtivement, et malgré sa cheville douloureuse, elle accéléra le pas, mais la sensation d’être épiée ne l’abandonnait pas…

[La boutique du Négociant en Epices]

S'il n'avait suivit que d'une oreille la conversation qui s'était déroulée sur le pas de sa porte, il était pourtant décidé à en apprendre plus sur l'inconnue à la beauté naturelle.
Aussi avait-il chargé un grouillot de tenir l'échoppe en son absence, prétextant une affaire urgente en ville.

Il est vrai que mentir à un serviteur avait peu d'importance, qu'on lui donne une raison ou non, il était bien forcé de faire ce qu'on lui disait, sinon il finissait à la rue, sans un sou... Pour les plus chanceux.
Mais l'induire en erreur lui, signifiait induire en erreur un quelconque investigateur intéressé par les allers et venues du Négociant.
C'était une précaution qui était loin d'être futile dans le monde des affaires, un guet apens était si vite arrivé, Marciello le savait mieux que personne pour en avoir organisé quelques uns.
Le meilleur moyen d'éliminer un concurent, est de faire passer le meurtre pour un détroussage malheureux.

Il s'était ensuite mis en route, se tenant à bonne distance de la jeune femme, sachant comment se fondre dans la foule, il avait revêtit un manteau et portait son tricorne, un moyen rapide et facile de disparaître au milieu des badauds.

Quand elle tourna une rue pour déboucher sur la Place Saint Marc, il s'était adossé à un mur, observant avec amusement la silhouette gracieuse se prendre la sandale entre deux pavés. Il était encore plus amusant de la voir continuer sans son soulier, l'allure plus droite et arrogante que jamais.
Marciello détaillait ce corps en partie voilé, mais dont il lui semblait possible d'imaginer le moindre centimètre carré.
Ce n'était pas la première fois qu'il suivait quelqu'un à son insu, il savait comment éviter que l'on sente son regard, mais il n'en avait pas envie.
Secrètement, il espérait que l'inconnue le prenne sur le fait, il aurait alors le plaisir d'inventer un magnifique mensonge, presque du tac au tac, avec la spontanéité propre aux menteur professionnels. Des années et des années d'assassinats, d'embuscade, de filature et de complots l'avaient bien entraîné.

Il attendit qu'elle ait traversé la moitié de la place, qui n'était pour l'heure que peu fréquentée, et s'engagea à sa suite. Tenant toujours une distance égale entre le délicieux corps de celle-ci et lui-même.

Etrangement, ce n’était pas la peur qui grandissait en Mila, mais une colère sourde qui s’installait aussi lentement que sûrement.

Qui osait ?

Elle n’était pas à Venise depuis assez longtemps pour s’être attaché un ennemi suffisamment haineux pour la chasser en pleine rue…

Les poings crispés, et le regard furieusement acéré, elle poursuivait sa course, mordillant nerveusement sa lèvre inférieure. Elle cherchait…Qui ?

Une larme de glace lécha son échine. Quelqu’un qu’elle avait connu ? Quelqu’un de Florence ? Ville maudite !

La colère céda et la peur fit son entrée. Une entrée fracassante. Mila frissonnait. Son souffle sec et vif écorchait sa gorge à chaque inspiration, ses yeux allaient et venaient inlassablement d’un côté et de l’autre. Elle aurait voulu se retourner, mais la crainte de découvrir un visage surgi du passé retenait sa curiosité.

Elle tourna subitement au coin d’une ruelle étroite et là, freina net son pas, se plaquant contre un mur. Elle dégagea rapidement la dague toujours retenue dans son bas et la tint fermement. Si elle était effectivement suivie, l’intrus ne devrait pas tarder à apparaître. Le Maître d’armes guettait, les réflexes affûtés. Elle était prête à bondir…

Une silhouette massive glissa dans la ruelle, telle une ombre néfaste et malveillante. Mila en saisit le col à pleine main, et réunissant toutes ses forces (sans doute décuplées par la peur), écrasa le corps trop robuste pour elle contre le mur se figeant face à lui. La lame de sa dague scintillait entre les deux visages. Une lumière s’y refléta furtivement et Mila reconnut les traits du Négociant. Elle s’écarta d’un pas, saisie d’étonnement. Le silence s’imposa le temps de calmer sa respiration. Elle dégagea nonchalamment une mèche rebelle et releva le menton.

« Le jeu vous amuse t il, Monsieur ? Puis-je au moins en connaître les règles ? »

Un sourire plein d’ironie taquina ses lèvres alors que sa voix grave se taisait…

Elle pressait le pas... C'est que sa présence se faisait plus opressante. Elle regardait en tous sens... C'est qu'elle cherchait quel regard pouvait bien la dévisager.

La curiosité était bien un défaut, mais un défaut ô combien délicieux. Il savait son regard lourd, et sentait l'excitaton monter en lui, alors que l'inconnue commençait à s'agiter...

Quand soudain, elle disparue dans une ruelle. Tout focalisé qu'il était sur sa personne, il n'avait plus prêté attention aux alentours, et à la configuration de la place.
Il hésita un moment. Bien sûr, elle aurait pu profiter de cette interruption pour le perdre dans les petites ruelles, mais d'après ce qu'il avait pu jauger de la demoiselle, ce n'était pas vraiment son genre que de fuir.
L'autre solution était qu'elle l'attendait dans l'a ruelle, probablement embusquée, il ne lui avait pas vu d'arme, mais n'ignorait pas tout ce que pouvait abriter des jupons.

Il posa la main discrètement sur le manche de sa dague, il ne la quittait jamais, encore une mesure de précaution non-négligeable dans le monde des affaires.
Puis il s'engagea dans la ruelle sombre. A pein y posa-t-il son premier pas, qu'il fût tiré en arrière avec une force inattendue et plaqué contre le mur, les aspérités parfois proéminentes de la pierre lui meurtrirent le dos. Et il se retrouva couteau sous la gorge.

Il détailla le visage de la jeune femme, de près, elle était encore plus belle, chaque détail la mettait naturellement en valeur.
Il sourit, comme pour détendre l'atmosphère, qui n'était qu'à une lame du bain de sang.
Avant de lui répondre, il eut un sourire qu'on aurait pu qualifié de lubrique, alors que sa dague remontait le long du torse de la jeune femme, pour venir s'arrêter à hauteur de sa poitrine, là où se trouvait le coeur.

"Le jeu m'amuse, en effet... Quant aux règles, elles sont oubliées depuis bien longtemps.
Baissez votre lame, Ma Dame. Je ne vous veux aucun mal, croyez-le bien..."

Prenant le risque de se faire trancher la gorge, il tapota le bout de sa dague entre ce qui devait être les deux seins de l'inconnue.
Puis l'abaissa, pour la rengainer.

"Mes yeux n'ont simplement pas pu se détacher de ce spectacle magnifique qu'est votre personne, Ma Dame...
Et je parle en connaisseur."

L'arrogance, lui aussi pouvait en faire preuve, et cela l'amusait encore plus dans des situations aussi dangereuses que celle-ci. Il n'était pas sûr des extrémités que pouvait atteindre la jeune femme, mais cela semblait bien lui être égal...

La lame glissa sur le tissu de sa robe jusqu’à atteindre le cœur. Mila eut un léger sursaut. Elle tentait de contrôler son souffle devenu haletant. Malgré les doutes, malgré le trouble, son regard mordait celui du Négociant. Seule une âpre déglutition trahit sa peur. Violente, étourdissante…et pourtant fascinante…D’une main, il aurait pu la broyer, mais au lieu de cela, il rangea sa dague.

Un sourire conquérant effleura les lèvres du Maître d’armes.

Ne résistant pas au jeu qui semblait tant distraire le Négociant, Mila taquina son cou de la pointe de sa dague.
Une éraflure.
Superficielle.

« Un souvenir… » murmura t elle de sa voix cassée.

Sans s’éloigner, elle releva les lourds plis de sa robe, et enfonça sa lame dans le fourreau noué autour de sa cuisse, puis elle réajusta le tissu qui s’écroula sur ses chevilles. Ses yeux n’avaient pas quitté ceux de Marciello. Plus éloquents que les mots. Ils bravaient, puis…apprivoisaient…

« Prêtez moi votre bras, voulez vous ? »

Elle dévoila alors son pied déchaussé et haussa nonchalamment les épaules avec une moue désolée…

« J’ai égaré mon soulier, les talons et les pavés sont les pires ennemis du monde… »

Elle enroula son bras autour de celui du Négociant, et après quelques pas, rompit le silence.

« Je crains de décevoir le « connaisseur » que vous êtes, car je ne suis pas un spectacle muet, et…mon but n’est pas de séduire le spectateur… »

Elle avait l’impression d’être au bord du précipice et que d’une seule main, Marciello pourrait l’y faire basculer. Ce n’est que dans ces instants que l’on sent pleinement la vie. Ce n’est que dans ces instants que l’instinct de Mila était en éveil, lorsqu’elle était chahutée, menacée. Elle sentait le sang se glacer dans ses veines, ses sens s’aiguiser, son pouls se précipiter…Enivrant…

Une rire inattendu fusa, puis se tut lentement.

« Je ne vous ai pas effrayé, n’est ce pas ? C’était pourtant le but…J’espérais vraiment lire la peur au fond de vos yeux, mais je n’y ai vu qu’amusement. Jusqu’où faut il donc aller pour vous faire pâlir ? »

Les yeux dans les yeux, une proximité qui enivrait les sens du Négociant. Tout son corps lui hurlait son désir charnel, mais avec les années, il avait appris à dominer ses instincts et à ne laisser place qu'à sa raison. C'est ainsi qu'il avait survécu tant d'années, non pas en laissant librement s'exprimer son instinct de conservation, mais en restant parfaitement raisonnable, et en gardant un sang-froid absolu. Il sentait le souffle affolé de l'inconnue sur son visage et dans son cou. Un souffle que l'on tentait de maîtriser malgré une peur évidente...

Enfin... De la peur, il ne l'attendait plus. Il avait pris l'habitude de la peur dès qu'on le voyait, où dès que sa victime se sentait observée. Mais là, il semblait que ce ne fût que la proximité qui puisse glacer le sang de la jeune femme. Il s'en déléctait, comme on se serait délecter d'un spectacle macabre. Il eut un léger sursaut et son sourire disparut l'espace d'un instant, quand la lame lui entailla le cou. mais bien vite il sourit à nouveau, de ce genre de sourire dont lui seul semblait capable, un sourire à la fois malsain et détaché, comme aurait pu en être capable le Diable lui-même.

Il glissa une main jusqu'à son cou, où il vint recueillir la goutte de sang qui perlait à la blessure, il amena sa main jusqu'à son visage et examina son propre sang avant de se lécher le doigt d'un air gourmand, les yeux à nouveau plantés dans ceux de celle dont il ne connaissait le nom.

Quand elle rangea sa dague, remontant sa robe sur ses cuisses, il ne put s'empêcher un regard sur les courbes de son agresseur. Quand il releva son regard fugace, ce fût pour rencontrer à nouveau le sien. Il semblait qu'elle appréciait autant que lui les longs silences, où ne parlaient que les regards. Des regards bien mystérieux en l'instant.

Sans un mot, il prêta son bras à la demoiselle lorsqu'elle le lui demanda, puis ils commencèrent à faire quelques pas, réapparaissant sur la place. Le soleil inondant à nouveau leur deux visages.

Mila Scarlatti a écrit:

« Je ne vous ai pas effrayé, n’est ce pas ? C’était pourtant le but…J’espérais vraiment lire la peur au fond de vos yeux, mais je n’y ai vu qu’amusement. Jusqu’où faut il donc aller pour vous faire pâlir ? »

Il concéda enfin à ouvrir la bouche, sa voix était profonde, étrangement calme, il ne regarda pas la jeune femme quand il répondit.

"Le spectacle de ma peau perdant ses couleurs ne sera donné qu'à celui qui m'ôtera mon dernier souffle, fusse la Mort elle-même, ou un simple conccurent.
J'attends ce jour avec impatience."

Il eut un bref sourire. Quelque chose laissait entendre que l'idée ne lui était pourtant pas si agréable. Il se stoppa net, alors qu'ils arrivaient au milieu de la place, forçant sa compagne à en faire de même. Puis dans un mouvement rapide, il se tourna vers elle, pour fixer une énième fois son regard dans le sien.

"Ma Dame... J'ai bien peur de ne pouvoir faire un pas de plus..."

Devant l'air interrogateur de la jeune femme, il continua.

"Voyez-vous, mes jambes sont momentanément bloquées, seul votre nom pourrait les faire retrouver leur mobilité.
Consentiriez-vous à aider un humble infirme?"

Malicieux était son regard, et taquin son sourire. Il venait de piéger sa proie. Les badauds ne mettraient plus très longtemps avant de commencer à s'intéresser à ce couple immobile, en plein milieu de la place. C'était le ridicule assuré, un ridicule qui n'effrayait pas Marciello. Passer pour un excentrique, il pouvait se le permettre, et attirer l'attention sur lui ne pouvait qu'être bon pour les affaires. mais en était-il de même de sa partenaire?

Le regard de Mila cessa de scruter l’horizon et remonta jusqu’à celui du Négociant.

« La Mort...Etes vous blasé au point de l’espérer… ? »

Un sourire retroussa ses lèvres…

« Venise vous présentera sûrement ce qu’il vous faut. Ses rues regorgent d’âmes assez tourmentées pour briser votre ennui. D’ailleurs, je suis certaine que quelques rivaux aiguisent déjà la lame destinée à vous transpercer…»

Soudain, il arrêta leur marche et se plaça face à elle. Mila écouta, puis releva un sourcil grondeur.

« Ai-je l’air d’être femme à succomber à ces courtoisies forcées, à ces flatteries affectées dont se régalent les élégantes ? »

Elle se tut, son regard toujours enfoncé dans celui de Marciello comme si une puissante attraction l’empêchait de s’en détacher.

« Je préfère les jeux dont… « les règles sont oubliées » … »

Nul besoin de la retenir de ses bras, son regard qui l’enveloppait maintenait Mila immobile face à lui. Elle le dévisagea. Longuement. Lentement. Il était comme les épices qu’il vendait. Senteurs sensuelles et étourdissantes qui pourtant, pouvaient tuer.

« Mon nom… »

Elle sentit alors la foule s’intriguer et se resserrer autour d’eux.

« Eloignons-nous…Tous les yeux se tournent vers nous…»

Arrachant son regard à cette masse d’indiscrets, elle nota que le Négociant était parfaitement serein. Et pire encore, il semblait apprécier que l’attention se porte sur lui. Tout ce que Mila détestait.

« Vous êtes odieux ! » s’amusa t elle avant d’empoigner le tissu de sa chemise et de l’entraîner de force à l’écart.

« Puisque vous m’avez posé une question, vous m’en autorisez une…Pourquoi tant d’insistance à connaître mon nom ? Est-ce…pour l’inscrire sur le carnet que vous tenez soigneusement caché ? »

Ah ! Les rumeurs ! Même si l’on en était point amateur, elles tombaient au creux de vos oreilles et attisaient toutes les curiosités ! Ou peut être Mila cherchait elle simplement à déstabiliser le Négociant que rien ne semblait pouvoir affecter.


[CA' GRAZZIANO-L'Allée Centrale]

Ah! Douce inconnue qui plus que tout veille à son anonymat. Il était impressionné que même face au regard curieux et scrutateur du badaud elle ne fléchisse.
Il s'en était plus ou moins douté, même s'il avait espéré qu'elle aurait finit par craquer.
Comme à son habitude, il parlait peu, restant silencieux et observateur, mesurant chacune de ses respirations et calculant chacune de celle de sa partenaire.

Il ne pouvait s'empêcher quelque regard dérobé vers la poitirne qui montait et descendait alors que ses poumons s'emplissait d'air puis le recrachaient. Il était à la fois émerveillé et envoûté, et le regard de la tigresse était le coup de grâce, captivant, et profond, à quelques détails, il lui semblait voir le sien...

Elle l'attira à l'écart, le traitant d'odieux, il ne retint pas un sourire presque satisfait. C'était bien là son privilège, se permettre d'être odieux, même avec les plus gros clients, c'était d'ailleurs ainsi qu'il fidélisait sa clientèle, par son audace.
Il n'était pas de ceux qui s'abaissait à milles courbettes devant les nobliaux, et même s'il lui arrivait d'être miellieux, c'était toujours avec diginité.

Quand enfin elle fit allusion au carnet, son sourire s'élargit, mais c'était pour ne point trahir sa légère surprise. Il s'attendait bien sûr à ce que l'un de ses serviteurs bavard et observateur remarque le carnet et s'empresse d'aller faire profiter de sa découverte au tripot du coin. Ce qui l'étonnait c'était à quel point ces serviteurs pouvaient être bavards et observateurs. Il n'avait pas fallu longtemps pour que la nouvelle fasse le tour de Venise.
Il avait appris que c'était le genre de secret qu'il était profitable de feindre, car l'existence d'une telle chose attisait la curiosité, et s'il y avait bien uen chose qui faisait vendre, c'était la curiosité.

En effet, il savait que nombre de client venait avant-tout dans l'espoir de tomber sur le carnet, négligemment disposé sur le coin du comptoir, où il pourrait être subtilisé alors que Marciello vaquait à ses occupations. Pour justifier leur présence, et le fait qu'il reste aussi longtemps dans le magasin, ils étaient forcés d'acheter, ne serait-ce qu'un onguent...
Décidément, cette rumeur était très profitable...

"C'est exact, il s'y retrouverait assurément."

A quoi bon le nier, puisque c'était vrai. Il ne laissa pourtnat pas l'occasion à sa belle inconnue de trop réfléchir à ce sujet et enchaîna.

"Mais la raison première est bien plus simple. Vous connaissez mon nom, je désire donc connaître le votre...
Je dois vous avouer ma fascination pour votre personne, j'aimerai nommer ce visage si agréable... Est-ce un crime?"

Il avait pris une allure faussement coupable. Quand celle-ci disparut, ce fut pour être remplacée par un sourire étiré, presque inquiétant. Qui semblait mêlé d'amusement et de sadisme...